
Dr Amadou Djibo, Psychologue
L’hypocondrie est un trouble qui se caractérise par une anxiété et une préoccupation excessive de l’état de santé. Ce trouble psychologique se manifeste par une focalisation abusive ou une inquiétude excessive d’être atteint d’une maladie grave pourtant non diagnostiquée malgré les avis médicaux rassurants et variés. Cet état de trouble mental peut causer une dépression excessive, provoquer des crises hypocondriaques, une anxiété chronique pouvant déclencher le développement d’une maladie incurable ou mortelle, un suicide ou une mort prématurée.
Très méconnu, l’hypocondrie est une pathologie qui touche principalement les personnes qui sont dans la recherche constante des informations relatives à la santé, les témoignages ou les symptômes d’une maladie souvent considérée comme incurable. Selon, M. Amadou Djibo, psychologue, les causes de cette maladie sont diverses. En effet, elle peut se développer à la suite d’une maladie ou d’un décès dans la famille ou, au développement d’une hypocondrie dans son entourage. Aussi, il explique que la personnalité d’une personne joue un facteur non négligeable favorisant la maladie. Toute personne peut être atteinte ou se sentir concernée par l’hypocondrie mais, certaines personnes sont plus à risque. « Une personne de nature stressée, inquiète, dramatique ou une personne qui a des difficultés à gérer ses émotions, une personne dépressive ou anxieuse sont plus concernée. Aussi, l’âge est un facteur important car, en vieillissant, l’appréhension des pathologies liées à l’âge ainsi que la mort se fait davantage ressentir », a-t-il indiqué.
D’après le psychologue, cette pathologie reste encore méconnue par certains patients et elle n’est jamais diagnostiquée à temps car, les Nigériens se rendent très rarement dans les hôpitaux pour une consultation psychologique. « Le peu de personnes qui viennent ou que d’autres médecins orientent vers nous n’acceptent pas le diagnostic final car, déclaré une personne atteinte d’une maladie psychologique est très difficile à accepter par la personne concernée ou sa famille », explique le spécialiste. Beaucoup de personnes souffrent d’hypocondrie mais très peu connaissent cette maladie et très peu acceptent d’en être atteints. « Plusieurs personnes sont atteintes, mais leur expliquer l’état dans lequel elles se trouvent est tout aussi difficile que le fait de les amener à accepter cet état », dit-il.
Les conséquences liées à l’hypocondrie peuvent impacter négativement le quotidien de la personne concernée et de son entourage. En effet, cet état d’anxiété aigu peut causer un renfermement sur soi-même, altérer les relations familiales et sociales. Dans la vie quotidienne de l’individu, selon M. Amadou Djibo, ce dernier peut vivre avec un inconfort permanent et avoir des changements d’humeur, des crises de colère pouvant lui rendre la cohabitation avec les autres difficile. « Ce patient est tellement focalisé par sa santé qu’il verra le monde extérieur comme un obstacle à son bien-être. Il évitera de s’adonner à certaines activités ludiques par peur de se blesser, de manger certains aliments, d’avoir toujours des produits de premier soin sur lui ou de surveiller chaque symptôme dès qu’il tombe malade ou fait un malaise ».
Cependant, le psychologue souligne que plusieurs signes physiologiques bénins peuvent également être perçus par l’hypocondriaque comme des symptômes graves d’une maladie sous-jacente. « Les douleurs à différentes parties du corps, des crampes, des palpitations, des sensations d’augmentation du rythme cardiaque, l’apparition d’imperfections cutanées comme les boutons, les retards menstruels, des vertiges, un essoufflement ou un simple mal de tête sont considérés par l’hypocondriaque comme des symptômes mortels ou graves d’une maladie mortelle », a-t-il ajouté. Cette appréhension de tomber malade, poursuit-il, peut causer comme conséquence des crises d’angoisse répétitives, des crises chroniques ou encore, une attaque de panique chronique. « La personne dépense beaucoup d’énergie émotionnellement pour un symptôme bénin qu’elle perçoit nuisible pour sa santé alors qu’il n’en est rien », a-t-il expliqué.
Compte tenu de la complexité de cette maladie et surtout de la réticence des patients à se rendre dans les centres psychologiques ou à accepter leur état de santé, recueillir des témoignages a été impossible mais, plusieurs spécialistes de la santé mentale soulignent que beaucoup de personnes souffrent consciemment ou pas de cette pathologie car, certains patients peuvent faire plusieurs examens afin d’avoir un avis médical différent alors qu’elles sont bien portantes.
Face à cette situation, le spécialiste a tenu à rassurer les personnes atteintes qu’elles peuvent guérir de cette pathologie et qu’il existe des moyens d’éviter de se retrouver dans cet état d’anxiété. Il faut se fier aux avis médicaux, faire une consultation psychologique au moins une fois par an, s’entourer et avoir la capacité de se confier à une personne de confiance. Aussi, des traitements médicaux comme les antidépresseurs peuvent atténuer les symptômes. « Il faut toujours rester positif. Nous devons certes nous inquiéter de notre état de santé et faire tous les examens nécessaires afin d’être rassuré mais, cette inquiétude ne doit pas prendre le dessus et devenir une angoisse croissante et permanente », a-t-il conclu.
Massaouda Abdou (ONEP)