Affecté par divers défis, le département de Bilma constitue un autre cas de résilience au Niger. La cherté de la vie caractérisée par le coût élevé des produits et services, rend les conditions de vie des populations en générale et particulièrement celles des femmes, très difficiles. Pour subvenir à leur besoin, les femmes optent pour des initiatives telles que le petit commerce et certaines Activités Génératrices des Revenus (AGR). Pour renforcer la résilience de ces combatives et braves kawariennes, les collectivités territoriales leur apportent des appuis à travers des accompagnements divers en espèce ou en nature.
Certaines femmes évoluent seules dans leurs activités, mais d’autres ont été regroupées en groupement par leurs collectivités territoriales pour bénéficier de ces accompagnements. C’est le cas à la Commune Urbaine de Bilma et à la Commune Rurale de Dirkou, où les deux Conseils Municipaux ont, chacun en ce qui le concerne, pu mobiliser des partenaires qui ont accompagné des groupements de femmes d’intérêts divers pour débuter.
Le petit commerce est ambulant et se pratique par les femmes qui fabriquent ou vendent de l’encens et d’autres produits dont les vêtements, pratiquent l’aviculture, la fabrication du savon liquide, le jardinage, la couture, la vente des produits alimentaires transformés ou non (les dattes, l’arachide, le souchet, les fruits et les légumes), etc. Ces Activités Génératrices de Revenus(AGR) permettent à ces femmes de subvenir à leurs besoins. Il s’agit particulièrement des petites dépenses journalières, des dépenses liées au social (mariage et baptême), etc. Ces activités sont exercées à la maison ou dans quelques petites boutiques.
Ainsi, à chaque visite officielle d’une personnalité dans cette zone, ces dames, ne cessent de montrer leur capacité de résilience. Elles s’organisent pour exposer leurs produits ou les fruits de leur activité génératrice de revenus. C’était le cas récemment lors de la visite de travail du gouverneur de la Région d’Agadez, le Général de Brigade Ibra Boulama Issa, du 19 au 23 février 2024, précisément à l’étape de la Commune Urbaine de Bilma et de la Commune Rurale de Dirkou, où ces femmes ont exposé leurs produits. C’est aussi l’occasion pour les autorités d’apprécier cette capacité de résilience dont font preuve les femmes du Département de Bilma en général et celles de ces deux communes en particulier.
Selon Mme Foudé Tchangama du groupement qui fait la fabrication de savon liquide et solide à Bilma, l’objectif de cette exposition est de montrer aux autorités compétentes, leur capacité à relever les défis de l’autonomisation des femmes si des accompagnements et quelques facilités leurs sont offertes. « Nous avons la volonté. Nous sommes disponibles et mobilisées sur ces activités parce que c’est la seule solution pour gagner notre vie et avoir de quoi faire face à nos besoins », a-t-elle dit. Parlant spécifiquement de la fabrication du savon liquide et solide, Mme Foudé Tchangama a souligné que leur groupement a été constitué et formé pour ladite activité par le partenaire CAIRE. Aujourd’hui huit (8) mois après, ce groupement offre du savon liquide et solide de bonne qualité et à des prix abordables à la population de la Commune Urbaine de Bilma. De plus en plus ces savons sont recherchés par la population mais il y a une grande rupture ces jours-ci à cause des difficultés que ces femmes rencontrent dans cette activité. « Nos problèmes se résument tout simplement à l’accès aux produits nécessaires pour ces activités. Car il faut les commander pour certains du Nigeria ou à partir de Maradi ou Zinder. C’est le cas de l’huile dinor, de l’acide soda, et bien d’autres. Les commandes prennent du temps avant de venir », a expliqué Mme Biba Kader du même groupement de fabrication du savon liquide. En effet, le bidon de 25 litres d’huile dinor leur revient à 26 000 fcfa voire plus en fonction des périodes à cause du coût élevé du transport. Le sac d’acide soda est acheté à 40 000 fcfa, le bicarbonate à 4 000 fcfa le kg, le soda H à 5 000 fcfa le kg, la gomme à 5 000 fcfa le kg. « Si nous avons tous ces produits disponibles, nous sommes capables de faire 45 morceaux de savon par jour. Le morceau est vendu à 250 fcfa et si nous avons ces produits à des prix très bas, certainement le morceau de savon peut revenir à 150 fcfa pourquoi pas », a souligné Mme Biba Kader. Ce groupement est composé de 30 femmes. Elles ont un bureau d’une dizaine de membres qui coordonne les activités. Difficile de faire de véritables économies qui permettront à ces femmes d’investir plus pour offrir ce produit à un prix abordable à la population. « Les recettes faites sont toujours utilisées pour l’achat de la matière première. Aussi, la caisse sert à octroyer de petits crédits aux membres qui le souhaitent pour d’autres activités (AGR) hors groupement. On se comprend très bien et le groupement marche bien. Nous avons seulement un problème d’approvisionnement des matières premières à cause de la distance », explique la trésorière.
Dans la Commune Urbaine de Bilma les femmes savent se débrouiller et s’offrir les moyens de leur subsistance. « Depuis notre jeune âge, on nous apprenait le commerce, parce que toutes les familles à Bilma font de la production du sel. Il n’y a pas une famille qui n’a pas de puits au niveau des salines appelé localement « KAlALA ». Vous produisez mais pas de clients. C’est pourquoi certaines femmes se sont investies dans les petits commerces », a souligné Mme Aïchamé Oumarou, une commerçante d’encens.
Certaines femmes évoluent également dans la transformation et la valorisation des dattes en sous-produits dattiers communément appelé ARSA. Cette activité rentre dans le cadre de la valorisation des dattes, un produit très important dans le département. En effet, dans le Kawar, la datte fait l’objet de plusieurs transformations dont entre autres : Arsa qui est un mélange de dattes sèches pilées avec de l’arachide. La transformation de ce produit a permis aujourd’hui à ces femmes d’améliorer sa qualité à travers des emballages. Le produit emballé a remporté plusieurs fois des prix aux éditions du Salon de l’Agriculture, de l’Hydraulique et de l’Elevage (SAHEL) dont l’édition de 2019, où le produit a obtenu le premier Prix en agriculture. « Arsa est l’identité du kawar. C’est un produit qu’on retrouve uniquement dans le kawar. Aujourd’hui nous avons acquis de l’expérience dans la transformation de ce produit dont la qualité est reconnue partout au Niger. Malheureusement, on manque de débouché. Nous avons le produit disponible mais l’écoulement prend du temps. Certains le trouvent cher, l’emballage à 1000 fcfa. C’est normal ! Nous avons un sérieux problème de transport. Le Département de Bilma et Dirkou en particulier est enclavé. Le transport coûte excessivement cher et c’est insupportable pour nous par rapport à ce qu’on gagne. Parce que certains produits comme l’arachide sont commandés depuis Maradi ou du Nigéria. Pour envoyer le produit à Agadez ou vers les autres villes du Niger, c’est cher le transport. C’est pourquoi, nous plaidons auprès des autorités actuelles du Niger de penser au kawar », dit Mme Guidé Elhadji Anouss du groupement « Illim Idrichi » de Dirkou.
Outre le Arsa, d’autres transformations, se font à base des dattes, comme le Tigra un mélange de dattes avec du mil, le Chirap un mélange de dattes avec du mil torréfié, l’Odoufou qui est une confiture de dattes, le Sounougou ou pattes de dattes, et bien d’autres, tous avec un goût délicieux.
Grâce aux efforts des deux Conseils Municipaux, de Bilma et de Dirkou, des ONG comme OIM et Garkuwa ont financé des grandes initiatives en faveur des femmes. C’est ainsi que dans les deux communes, des groupements féminins ont bénéficié du financement de la construction des fermes avicoles. Les principales activités de ces fermes sont particulièrement la production et la vente des volailles et des œufs. Géré par les 26 femmes du groupement
« Zaman Lahiya », l’initiative ferme avicole de Dirkou marche très bien. Huit (8) mois après, aujourd’hui la ferme compte 200 volailles et une centaine de casiers d’œufs. Avec une liquidité d’environ 2 500 000 fcfa dans la caisse, le groupement projette une extension de la ferme en vue d’augmenter sa capacité. « Nous vendons le casier d’œuf à un prix très étudié pour qu’il soit accessible à toute la population de Dirkou. Nous vendons le casier à 3000 fcfa. Nous pouvons le vendre encore plus bas si les produits alimentaires nous reviennent à un prix bas aussi. Nous commandons les aliments depuis le Nigeria et pour avoir le produit il faut attendre un convoi », a souligné Mme Zeinabou Elhdji Sidi Présidente du groupement.
Ali Maman ONEP/Agadez