
Lors de l’entretien sur le plateau de la RTN
Monsieur le ministre, on parle de coopération gagnant-gagnant qui privilégie les intérêts du Niger et qui respecte la souveraineté nationale. Quels sont les efforts déployés dans ce sens, en rapport notamment avec la diversification des partenaires ?
La consigne que j’ai reçue du Chef de l’État et du Premier ministre, c’est que, dans notre coopération, il y a trois préalables. Un, il faut respecter la dignité ; deux, le libre choix des partenaires ; et troisièmement, les intérêts. Il faut toujours mettre en avant les intérêts de notre pays. Qu’est-ce qu’on a fait quand on est arrivé ? Tous les accords qu’on a avec les partenaires, on les a audités. On a vu ce qu’on a vu. Tout ce qui était nuisible, on l’a dénoncé et nous ne sommes pas allés chercher de nouveaux partenaires. Qu’est-ce que nous avons fait ? Nous avons redynamisé la coopération avec des pays qui avaient un potentiel, mais qui étaient infréquentables pour nous. Parce qu’il y avait des injonctions. Je suis des affaires étrangères, je sais de quoi je parle. Nous avons voulu casser en deux l’autre stratégie. La première démarche, c’est de redynamiser et de consolider ce qui existe déjà et, après, aller chercher. Il y avait des partenaires qui étaient là, mais on n’avait avec eux que des relations politiques alors qu’ils avaient un potentiel.
Quels sont ces pays ?
Il y a l’Iran, la Russie, la Turquie, l’Égypte, le Maroc, le Togo. On a renforcé notre coopération avec ces pays et on a diversifié les domaines. Maintenant, la deuxième phase, ça sera la recherche de nouveaux partenaires, et dans notre nouvelle stratégie, nous avons en perspective les BRICS qui regroupent des pays comme le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud. C’est un groupe qui prône une autre vision de la coopération. Il s’est élargi à certains pays comme l’Arabie saoudite. Tout à l’heure, quand j’ai parlé des pays avec lesquels on a des relations, il y a les Émirats Arabes, il y en a plein.
On est à quel niveau de la démarche avec les BRICS ?
C’est une perspective, ça fait partie de notre perspective pour 2025. Parmi ces pays, il y a des pays comme la Chine, la Russie, l’Inde ; (peut-être l’Inde pas suffisamment, mais on va le faire) avec lesquels on a déjà des coopérations. Mais on va profiter des autres avec lesquels on n’a pas de coopération poussée.
Nous savons qu’il y a du potentiel là-bas. Notre pays est un pays riche. Ce qu’il nous faut aujourd’hui, c’est la sécurité. Je vous assure que les gens seront surpris de ce que deviendra le Niger, si on arrive à mettre fin à cette insécurité qui est entretenue sciemment pour faire peur aux bailleurs, aux investisseurs. Il n’y a rien qui puisse résister à la volonté d’un peuple. Je suis convaincu qu’on aura gain de cause.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quels sont les tenants et aboutissants de la politique étrangère du Niger ? Vous avez parlé de ça, est-ce que vous pourriez être plus précis ?
Il y a des principes généraux, des idéaux qui sont contenus dans la Charte des Nations unies, de l’Union africaine, la Convention de Vienne, qui tournent autour de l’aspect de l’intégrité, de la non-ingérence dans les affaires intérieures, le multipartisme. Ce sont des principes généraux. Maintenant, au niveau de chaque continent, en fonction des orientations, il y a des principes continentaux également. C’est ainsi qu’en Afrique, la plupart des pays, comme le Niger, prônent l’intégration africaine, le bon voisinage, le respect des frontières héritées de la colonisation et la non-ingérence dans les affaires intérieures. C’est cela notre politique. Tout cela tient à aboutir à faire développer notre pays. C’est là que vient la vision de notre pays pour donner des orientations, des directives, la stratégie à mettre pour pouvoir dérouler notre politique étrangère et la mettre au profit du développement de notre pays. Nos principes découlent des principes généraux que j’ai cités tout à l’heure. Maintenant, ces principes doivent aboutir à développer tout ce qui existait avant et n’était pas mauvais. On ne va pas dire que tout ce qui a été fait depuis les indépendances à cette date n’est pas bon, mais il faut prendre ce qui est bon, jeter ce qui ne l’est pas et maintenant essayer d’améliorer. C’est ce que nous essayons de faire. C’est pourquoi, pour le partenariat, on ne s’est pas préoccupé pour le moment de chercher de nouveaux partenaires. On s’est plus préoccupé de mieux exploiter ce qui existe, parce que ça demande moins d’efforts, moins de ressources. Déjà, vous avez les accords, tous les accords avec ces pays, ils sont là, ils ne sont pas mis en œuvre parce qu’on nous a dit de ne pas le faire. C’est le même jeu qu’on a voulu nous jouer tout récemment.
Au stade actuel, est-ce qu’il y a des obstacles qui freinent la mise en œuvre de cette nouvelle diplomatie ?
Oui, l’obstacle, c’est les partenaires qui ne veulent pas respecter notre dignité. On ne traite pas avec quelqu’un qui ne veut pas respecter notre dignité. Le deuxième aspect de votre question, le voisinage avec les pays, nous en avons sept. Notre coopération est renforcée depuis le 26 juillet avec les cinq. Je vais parler du Burkina et du Mali, le Tchad, la Libye, l’Algérie. Les deux pays avec lesquels on a des problèmes, c’est le Nigeria et le Bénin, et ce sont des pays qui ont fait du zèle dans la mise en œuvre des sanctions de la CEDEAO. Mais, ce sont des voisins, on n’a pas le choix. Ce n’est pas un voisinage comme entre individus où vous avez un voisin qui est bruyant, le lendemain, vous prenez vos clics et vos claques et vous partez. Il s’agit d’un pays, et un pays ne déménage pas. Nous avons perdu confiance en ces pays, nous sommes en train de travailler pour ramener la confiance, parce qu’on ne peut rien sans la confiance. Ça ne sert à rien d’être ensemble si on se soupçonne.
On peut espérer une amélioration des relations avec ces deux pays ?
Bien sûr, puisque le Bénin a envoyé un ambassadeur. Il a présenté sa copie figurée, nous avons accrédité un ambassadeur au Bénin. Tout ça, c’est dans la perspective. Au Nigeria, nous avons fait de même. Parmi tous les pays du monde, il n’y a que l’ambassadeur du Nigeria au Niger qui est resté quand le président Tinubu est venu : il a rappelé tous les ambassadeurs. Et un an après, il n’y a pas d’ambassadeur ; c’est le seul, compte tenu du contexte. Lui-même, il a été rappelé ; après, il lui a dit de rester. Donc, c’est pour dire qu’il y a des efforts qui sont là. On a reçu des délégations du Nigeria, même des délégations militaires qui sont venues. Moi, j’ai reçu plusieurs délégations des affaires étrangères. Pour vous dire que nous sommes en pourparlers et que tout ça doit aboutir à la restauration de la confiance avec ces voisins. Ça sert à quoi de rester avec quelqu’un en qui vous n’avez aucune confiance ? Quand il fait quelque chose, vous êtes obligés de creuser pour voir s’il n’y a rien en dessous.
Monsieur le ministre, on va insister un peu, quelle est votre stratégie pour conduire la politique étrangère de notre pays, conformément à la vision du Chef de l’État ?
Notre rôle est de mettre en œuvre la vision du Chef de l’État. Elle est articulée autour de quatre axes. Il y a la sécurité et la cohésion sociale, la bonne gouvernance, la production agricole pour accéder à l’autosuffisance alimentaire et les réformes sociales. Aujourd’hui, nous avons repris nos coopérations avec l’essentiel de nos partenaires.
Il y a encore des hésitants ?
Il y a l’Union Européenne, mais, au sein même de l’Union Européenne, il y a des pays qui se sont désolidarisés et qui continuent leur coopération avec nous. Mais, en tant que structure, on a des négociations en vue. Ils nous ont dit qu’ils veulent des négociations. On a dit qu’il n’y a pas de problème, et mieux, je vais vous dire, il n’y a pas que l’Union européenne. Tous ces pays, même les pays qui ont suspendu notre coopération. La dernière fois, la Déléguée suisse pour le Sahel m’avait appelé. Elle m’a dit qu’elle voulait me voir, je lui ai dit d’accord, mais je suis en train d’aller à Bamako. Est-ce que ce n’est pas mieux qu’on se retrouve là-bas ? Elle a dit d’accord. Elle représente cent cinquante-deux pays à travers le monde qui ont des représentants pour le Sahel.
Pourquoi cet intérêt pour le Sahel ?
Moi-même, je me suis posé la même question. Je lui ai dit : «vous ne voulez pas nous aider, alors pourquoi vous vous intéressez à nous ?» Elle m’a dit «non». J’ai dit : «on ne vous a rien demandé en cadeau. Même les armes, vous ne voulez pas nous les vendre alors que nous sommes en train de nous battre contre les terroristes. Même les armes qu’on a achetées, on refuse de nous les livrer. Comment est-ce que vous voulez que moi je croie en vous, si ce n’est pas dans le sens négatif ?» On lui a posé cette question, mais toujours est-il qu’il n’est pas mauvais d’échanger, c’est notre rôle de diplomate, mais on n’ira pas chez vous. C’est vous qui avez besoin de nous. Si vous voulez, vous choisissez Niamey, Bamako ou Ouagadougou. Vous qui avez un intérêt, vous venez, puis on va discuter. Donc, on a dit à l’ensemble de nos partenaires bilatéraux et multilatéraux que tout ce que vous avez comme programme, il faut intégrer la vision du Chef de l’État. C’est une exigence. Celui qui ne peut pas, on n’a rien demandé à personne et heureusement la plupart sont d’accord avec nous. Parce qu’ils reconnaissent la justesse de ce que nous sommes en train de faire. Vous ne pouvez pas être là à décider des programmes et venir nous les imposer, alors que nous avons des programmes que nous avons conçus en tenant compte de nos réalités. Nous avons fait une note de cadrage qu’on a envoyée à toutes nos ambassades pour leur dire désormais, le cadre dans lequel ils doivent conduire notre politique étrangère. Hormis cette note, nous avons systématisé les commissions mixtes. Elles existent dans la plupart des pays, mais ça fait dix ans, douze ans, vingt ans, qu’elles ne se tiennent pas. Or, c’est un cadre unique pour pouvoir planifier une coopération et avoir une feuille de route. Nous avons systématisé la mise en place des comités au retour de chaque délégation. Il y a beaucoup de délégations qui sont venues au Niger. Nous sommes également parties chaque fois qu’une délégation vient. Quand nous revenons, il y a un comité qui est mis en place pour suivre justement ce dont on a convenu.
Nous sommes en train de renforcer les capacités de nos personnels dont les formations se passent à l’extérieur, mais nous formons aussi. Donc, nous avons des formations actuellement. Il y a un atelier qui est en cours pour former nos agents au protocole, aux techniques de négociation et à la rédaction diplomatique. C’est sur fonds propres, on n’a rien demandé à quelqu’un. C’est les fonds propres de l’État du Niger. Nous avons eu la collaboration des Algériens qui ont décidé de mettre des enseignants à notre disposition à titre gracieux, parce qu’il faut des cadres de qualité.
Monsieur le ministre, quelle garantie vous pouvez donner qu’à partir d’aujourd’hui les choses vont aller en mieux au niveau des affaires étrangères et au niveau des ambassades ? Parce que souvent, il faut le dire, c’est ce qu’on reproche à la diplomatie, c’est que souvent les gens ne sont pas réactifs. Qu’est-ce que vous pouvez donner comme garantie pour que cette diplomatie soit vraiment très vive ?
C’est dans ce cadre que nous sommes en train de mettre en place des comités, parce qu’en responsabilisant, il y a un devoir de rendre compte. Quand une délégation arrive, on discute, elle s’en va. On met dans les tiroirs, on oublie. Mais, quand vous désignez quelqu’un, vous lui dites qu’au niveau des affaires étrangères c’est toi le responsable et il doit convoquer l’ensemble des Ministères concernés pour faire un compte rendu. Je vous donne un exemple, celui de la Turquie. Ils sont venus ici près de huit ministres. C’est une délégation de plus 70 personnalités qui sont arrivées. On y est allé à travers tous les domaines. Mais, après on a mis en place un comité. Et ce comité a travaillé depuis lors. Vers le 20 février, on aura notre commission mixte. Et nous avons un tableau de bord. Pour ne pas oublier, on sait ce qu’on a confié à chaque agent et il y a un timing, il sait qu’à telle date, il doit rendre compte.
Il y a le suivi désormais, parce qu’il y a vraiment un problème ?
Bien-sûr ! Ce n’est pas seulement au niveau des agents, ce que moi-même je suis suivi. Tout le temps, le Premier Ministre, le Président du CNSP me demandent : où est-ce qu’on en est avec telle chose. Ce qui fait que c’est vertical, je suis obligé de suivre parce que moi-même je suis suivi.
Monsieur le ministre, on va évoquer une question toute aussi importante. C’est par rapport à la gestion de la diaspora. On sait qu’il y a une forte communauté nigérienne à l’extérieur. Quelle stratégie ou initiative avez-vous mise en place pour favoriser et améliorer la contribution de cette diaspora ?
Nous accordons une importance particulière à la diaspora. Pas seulement le Niger, c’est l’ensemble des pays africains qui accordent une importance particulière à la diaspora. C’est pourquoi, même au niveau de l’Union Africaine, la diaspora est considérée comme une région. Au Niger, c’est la neuvième région. De tout temps, la diaspora a été associée dans toutes les questions majeures qui concernent le Niger. Quand je dis tout temps, je veux dire à partir de la Conférence nationale. Parce qu’à partir de la Conférence nationale, le Haut Conseil des Nigériens est l’émanation de la Conférence nationale.
Mais ce conseil ne marche plus monsieur le ministre ?
Absolument ! Je vais vous dire pourquoi ça ne marche pas. La première et dernière assemblée générale constitutive que ce conseil a organisée, c’était en 2004. Depuis lors silence radio, 21 ans.
Pourquoi ?
Je vais vous dire d’abord comment ce conseil est organisé. Il y a un Secrétariat permanent. Les assemblées, c’est chaque 4 ans. Il y a un Secrétaire général qui est logé au niveau des Affaires étrangères. C’est lui qui doit suivre les activités. Et le Haut Conseil dispose de bureau pratiquement dans tous les pays où nous avons des ambassades. Mais depuis lors, c’est le silence radio. Pourquoi ? C’est vrai, il y a certainement la faute de la structure permanente. Mais, il y aussi la faute des hommes politiques parce que ce Conseil a été politisé. Donc, on ne veut plus changer ceux qui sont à la tête de cette organisation, parce qu’ils sont favorables à telle ou telle autorité. Parce que les autorités alors en place ne sont pas sûres qu’en renouvelant ces conseils si leurs militants vont revenir.
Et ils financent les partis politiques ?
Oui, ils financent les partis politiques. Nous, avons essayé d’abord de les rassurer et vous avez vu comment ils ont réagi. C’était en fait un événement inespéré. Nous avons donné des instructions pour qu’au plus tard le 30 avril prochain, tous les bureaux soient renouvelés. Maintenant au niveau de la structure nationale, où il y a un président et un vice-président par continent, nous allons tout faire pour organiser la prochaine assemblée générale. Parce que là ce n’est pas au niveau local que ça se fait. C’est l’ensemble de la diaspora qui se retrouve ici au Niger pour renouveler le bureau et ça demande des moyens et une organisation. On attend que ces bureaux soient mis en place. D’ici avril, on va faire le point et puis on va programmer l’AG. Vous avez vu pour le Fonds de Solidarité, ils ont contribué à hauteur de plus de 750 millions.
Comment ça va se passer ? je pose la question, parce que je sais de quoi je parle. A ce stade précis, ni le Ministère des affaires étrangères, ni les ambassades ne vont pas s’impliquer dans l’élection de ces nouveaux bureaux ?
C’est clair ! C’est pourquoi, j’ai parlé de politisation. Cette fois-ci, on a clairement indiqué à nos ambassades qu’elles ne font pas partie, elles sont là pour superviser. Et même le financement des élections, c’est avec les cotisations des membres. Donc, à partir du moment où on ne les finance pas, comment on va s’impliquer dans cette élection. Même maintenant il y a des politiciens qui continuent toujours d’agir dans l’ombre. Nous avons dit aux ambassades de ne pas s’impliquer. Et celui qu’on prendra, il y aura des sanctions. Ça nous permettra de redynamiser ces structures. Vous savez, c’est à travers la diaspora qu’on arrive à attirer les investissements, c’est à travers la diaspora qu’on fait le transfert de technologie et le transfert de connaissances. Quand nos étudiants partent dans des pays, c’est généralement la diaspora le premier endroit où ils posent les pieds. Ce sont des structures d’accueil qui existent. Quand il y a des décès, des cas sociaux, c’est la diaspora qui intervient. J’ai vu des cas où des Nigériens sont décédés où la diaspora qui a cotisé qui pour rapatrier le corps ou pour acheter une place dans le cimetière.
Monsieur le ministre, il y a un autre détail par rapport à la visibilité du Niger, qu’est-ce que vous en faites, parce que dans le passé, il y a quand même des attachés de presse qui font cette visibilité. Mais, depuis un moment ces postes ont été carrément supprimés. Comment aujourd’hui on peut faire de la visibilité sans ces attachés de presse au niveau des ambassades ?
Absolument ! Je suis d’accord avec vous et on l’a ressenti. Pourquoi, parce qu’un moment on avait besoin de relais, ces pays nous étaient inaccessibles. Ces pays occidentaux et tous ces pays qui nous étaient hostiles. Si on a pu dérouler notre diplomatie sécuritaire, c’est parce qu’on avait des attachés de défense dans certaines ambassades. Si on avait des attachés de presse, je suis sûr qu’on ne serait pas dérangé pour forcer et vouloir aller dans certaines rencontres. Tout ce qu’on fait, même pas pour ces pays, on le fait pour notre diaspora. D’ailleurs, c’est le plus important pour nous. On peut réduire les postes, mais il y a des pays où il nous faut forcément de la même manière que nous avons des attachés militaires, il nous faut des attachés commerciaux, des attachés de presse dans certaines ambassades.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué le rôle que la diaspora joue et on l’a vu avec la contribution au niveau du Fonds de Solidarité. Mais cette même diaspora aujourd’hui se plaint qu’elle est sous représentée dans ce qui est en train de se passer depuis l’avènement du 26 juillet. Qu’est ce qui se passe ?
Ah non ! Nous sommes en train de nous organiser. Je vais vous dire que le recensement de notre diaspora est très pauvre. Je sais de quoi je parle. Or, nous, on a institué un recensement pour qu’on ait la liste, pas seulement les noms, prénoms et le lieu où la personne est née, mais les compétences, de telle sorte que lorsqu’on a besoin d’expertise, on leur fait appel. Nous avons des cas où de Nigériens sont venus nous montrer leurs expertises en culture irriguée, dans le domaine du pétrole. Jusqu’au 26 juillet, quand on voulait vendre notre pétrole brut, on avait que trois solutions. C’est soit demander au partenaire, en l’occurrence la Chine de le vendre pour nous. Je ne sais pas si c’est une bonne chose.
En tout cas, en se basant sur le cas d’AREVA sur l’uranium, ce n’est pas une bonne chose pour nous. L’expérience qu’on a suivie n’a pas été concluante. Ou bien vous avez des expertises nationales qui vont le faire ou alors il faut faire appel aux traders.
On n’a pas d’expertise. Donc on n’avait que deux choix : ou les chinois le vendent à notre place ou on donne aux traders qui ne sont pas des enfants de cœur.
C’est pourquoi, partout où on part, on essaie de dénicher des expertises nationales et on en a déniché. Il y en a qui sont prêts à revenir, on attend justement que ça commence. Ils ont dit que si on leur donnait les avantages qu’ils ont là-bas, ils ne demandent plus rien, parce qu’en général on quitte son poste pour quelque chose de meilleur. Mais, eux, ils sont prêts à quitter dans les mêmes conditions. C’est le patriotisme qui va peser. Je trouve que c’est des efforts qu’ils font et on attend que la chaîne de valeur du pétrole soit déroulée pour faire appel à eux. Pour le Programme de Grande Irrigation qui va commencer, on va faire appel à l’expertise, on n’ira pas prendre ailleurs.
On a vu l’exemple du P5, pour la production de l’électricité. Tout est fin prêt, il devrait être mis en marche. Quand il y a eu le coup d’Etat, les experts sont partis. Maintenant, on a des problèmes pour redémarrer. Pensez-vous que si c’était des Nigériens, ils vont partir ? Ces gens-là sont d’une société allemande, ceux qui y travaillent sont des français, ils ne veulent plus revenir.
le ministre, le Niger a quitté définitivement la CEDEAO de façon irrévocable et irréversible. Quels sont les efforts entrepris pour rendre opérationnelle et dynamique notre nouvelle confédération AES ?
L’AES, c’était uniquement un pacte de défense au début. Dans notre marche, on s’est tout de suite rendu compte qu’il n’y a pas de développement sans sécurité et vice versa. On a ajouté deux D, on avait déjà le D de développement, on a ajouté la défense et sécurité, on a ajouté la diplomatie, ce qui fait que maintenant l’architecture a donné lieu à la Confédération des États du Sahel. La Confédération est née le 6 juillet 2024 ici à Niamey, ça fait moins d’un an. Elle est bâtie sur trois fondements : la Défense et la sécurité, la Diplomatie et le Développement. Les trois D sont opérationnels. Nous avons une armée unifiée, nous avons une parfaite coordination. Nous ne faisons rien sans nous consulter. Avant de faire cet entretien, j’ai appelé l’ambassadeur du Burkina pour le consulter sur un sujet important que je dois faire demain. C’est pour vous dire qu’on se concerte et qu’on coordonne sur toutes les questions majeures. Nous avons un passeport diplomatique, une télévision, une radio. Nous avons en projet, l’autoroute Bamako-Ouaga-Niamey, une banque d’investissement, ce qui fait que les trois D sont opérationnels aujourd’hui.
Concernant le passeport, on a vu que pour les deux autres pays, c’est en place, mais pour le Niger, toujours rien. Comment éditer ces passeports, tout en évitant les problèmes qu’on a connus par le passé ? Quelle est la garantie qu’on va faire un bon passeport aujourd’hui ?
On a deux options. La première option, c’est un passeport qui tire sa souche essentiellement du passeport burkinabé, car le contrat qu’ils avaient avec la compagnie pour le passeport CEDEAO burkinabé, est arrivé à terme. Au lieu de renouveler, puisqu’on est sorti de la CEDEAO, ils ont conçu un nouveau passeport uniquement burkinabé. Lorsqu’il s’est agi de faire le passeport confédéral, on s’est dit, pourquoi chercher ailleurs, si déjà un pays a un type de passeport, donc, on l’a amélioré.
La première offre qu’on a, c’est cette même société qui confectionne les passeports burkinabés. C’est la loi du grand nombre, si on en produit 100 pour le Burkina, par exemple, et que le Mali s’ajoute, cela fera 200. Si le passeport coûte 500, avec la loi du grand nombre, il coûtera 400 ; si le Niger s’ajoute, il coûtera 200.
La deuxième offre, c’est que chacun le fasse avec ses propres partenaires. Rien n’exclut cela, l’essentiel étant qu’il y ait des garanties. La semaine passée, j’étais en réunion avec les gens qui éditent les passeports. Ils sont venus, ils ont eu une rencontre avec le ministre de l’Intérieur, avec le Premier ministre, je les ai reçus. Nous leur avons dit ce qu’on leur reproche, et ils ont pris l’engagement que si on renouvelle le contrat, ils vont tout corriger. Le contrat arrive à terme en mars. Nous sommes dans la perspective d’un renouvellement de contrat. On a relevé ce qui avait marché et ce qui n’avait pas marché. Ils ont dit qu’ils peuvent corriger ce qui n’a pas marché. C’est une question de rapport qualité-prix. On va voir l’offre de la société qui confectionne les passeports burkinabés ou celle du Niger, d’autres peuvent faire des offres, c’est un marché ouvert, c’est la concurrence, et c’est ce qui nous permettra d’avoir la meilleure offre.
Pour finir cet entretien, monsieur le Ministre, à quand la conférence des ambassadeurs ?
La conférence des ambassadeurs, c’est l’appellation courte. L’appellation longue est la conférence de l’administration diplomatique et consulaire. Elle existe dans pratiquement tous les pays. Au Niger, la dernière remonte à 2007. Cette conférence est un cadre de réflexion et d’échanges pour l’ensemble des chefs de mission diplomatique et des postes consulaires. Ils se réunissent pour analyser la diplomatie, voir ce qui a marché, ce qui a moins marché, ce qui n’a pas du tout marché et faire des propositions. Et, même si tout a bien marché, ils donnent de nouvelles orientations. Ce cadre ne s’est réuni que sept fois depuis l’indépendance, alors que la fréquence prévue est tous les deux ans. Si vous prenez de 2007 à aujourd’hui, on peut calculer combien de sessions on a sautées. Aujourd’hui, cette conférence s’impose plus que jamais. C’est carrément une nouvelle orientation donnée à notre politique étrangère, avec des axes qui existaient avant, mais dont on ne tenait pas compte.
A titre d’exemple, par le passé, quand les délégations arrivaient, c’étaient les autorités nigériennes qui s’accommodaient du programme de la délégation. Lorsque quelqu’un voulait venir, il écrivait, il disait «je veux voir tel ministre», il prenait son avion, il vient et vous étiez obligé de vous accommoder parce que c’est votre étranger. Les ambassadeurs téléphonaient pour aller voir un ministre. Il y a deux semaines, un ancien des Affaires étrangères est entré dans mon bureau et m’a dit : «Petit frère, je suis fier de ce qui se passe au Niger.» Je lui ai demandé pourquoi. Il m’a répondu : «J’ai rencontré l’ambassadeur d’une grande puissance dans le bureau du directeur du protocole, c’est inimaginable. À mon époque, je n’ai jamais vu ça de toute ma carrière. Ces gens ne parlaient même pas aux ministres». Ce sont toutes ces valeurs qu’il faut intégrer, le respect s’impose.
Pour la conférence des ambassadeurs, je verrai avec le Premier ministre. Il y est favorable, tout comme le Président. Lorsqu’ils ne sont pas favorables à quelque chose, c’est que cela n’a pas d’intérêt pour le pays. Je vous le dis franchement et en toute sincérité : tout ce qui va dans le sens de l’affirmation de notre souveraineté et de notre dignité passe avant tout. Nous avons un attachement incroyable à cela, car nous l’avions perdu à un certain moment.
Monsieur le ministre, quel sera votre mot de la fin ?
Je voulais tout d’abord remercier le CNSP et le gouvernement qui ont instauré ce type d’exercice. Pour moi, c’est de la transparence et de la redevabilité vis-à-vis du peuple, et c’est important. Jamais auparavant, je n’ai vu un gouvernement venir tour à tour pour s’expliquer ce qu’il fait, c’est une première et ça va continuer. Ensuite, je tiens à remercier les trois chefs, à savoir et le Général de brigade Abdourahamane Tiani, le Général d’armée Assimi Goïta, président de la Transition malienne et le président du Faso le capitaine, Ibrahim Traoré pour les efforts qu’ils font en vue de restaurer la dignité du Sahel. Je vous assure que c’est en marche. La troisième chose que je voudrais dire, c’est remercier le Premier ministre et l’ensemble du gouvernement. Je travaille avec l’ensemble des Mministères et ils ont été corrects avec moi sur toute la ligne. Il n’y a pas un seul ministre qui m’a fait faux bond, jamais. Il y a une parfaite coordination, et je pense que c’est la même chose au niveau de l’équipe : on forme vraiment une famille, que ce soit au niveau du CNSP, que ce soit au niveau du gouvernement. Malgré tout ce que les gens sont en train de raconter, nous formons une équipe.
Si aujourd’hui, on a des résultats, c’est parce que les gens ont collaboré tant au niveau central qu’à l’étranger dans les ambassades. Je ne vais pas oublier les partenaires qui sont restés avec nous malgré les temps difficiles, ils ont choisi d’être à nos côtés. Je voudrais dire à la population de l’AES, surtout à la diaspora, de ne pas s’affoler, il n’y a rien, tout va bien se passer. Nous tenons le bon bout, comme on dit. La CEDEAO a besoin de nous et nous avons besoin de la CEDEAO, c’est un partenariat. Nous avons autant de moyens de chantage que la CEDEAO croit en avoir. Ce n’est pas des faveurs que la CEDEAO va nous concéder, non. Ce sont des droits, ce sera de la réciprocité.
Je voudrais aussi dire à nos compatriotes ressortissants de l’AES de rester soudés, parce que tout ce qu’on a fait, c’est parce qu’il y a le peuple derrière. Il faut que les gens le sachent, il faut que la population continue à prier pour notre pays, parce qu’on a besoin de ça, on a besoin de Dieu dans cette affaire. Moi, je sais que c’est important, parce que, comme je vous l’ai dit tout à l’heure, parfois il y a des moments de doute, mais quand vous regardez tout ce qu’il y a derrière, vous vous dites, je ne peux pas douter.
La dernière chose que je voudrais dire au niveau de la Confédération, c’est que tous les secteurs qui sont concernés doivent voir les ministres s’impliquer. Je ne peux pas finir cet entretien sans rendre hommage à nos forces de défense et de sécurité, à toutes les victimes, à tous ceux qui ont perdu leur vie dans ce combat. Nous, nous avons la chance d’être encore vivants, mais il y en a qui ont perdu leur vie dans ce combat, c’est le lieu de leur rendre hommage. Je remercie la presse aussi, parce que si on a été visible, c’est en partie grâce à la presse qui fait un travail remarquable.
Script : ONEP