Guidés par l’esprit de fraternité, de solidarité, d’amitié et engagés à renforcer les liens séculaires entre leurs Peuples, les dirigeants du Burkina Faso, du Mali et du Niger décident de créer l’Alliance des Etats du Sahel (AES). L’objectif visé à court, moyen et long terme est d’aboutir à une organisation sous régionale de diplomatie, de défense et de sécurité collective.
De diplomatie, puisqu’outre les organes nécessaires au fonctionnement et les mécanismes subséquents de l’Alliance à mettre en place, « les Parties contractantes œuvreront à la prévention, la gestion et au règlement de toute menace à l’intégrité de territoire et à la souveraineté de chacun des pays membres de l’Alliance en privilégiant les voies pacifiques et diplomatiques ».
Il s’en suit qu’en cas de différend entre les pays membres de recourir aux procédés diplomatiques notamment la négociation, l’enquête, les bons offices, la médiation et la conciliation, figurant en toutes lettres dans l’article (33) de la Charte des Nations Unies et même dans l’Acte constitutif de l’Union Africaine et énumérés de façon non exhaustive.
C’est pourquoi, conscients de ces procédés diplomatiques de règlement des différends, les Gouvernements du Burkina Faso, de la République du Mali et de la République du Niger mentionnent dans le préambule de la Charte instituant la création de l’A.E.S. qu’ils « réaffirment leur attachement à la légalité internationale et régionale consacrée notamment par la Charte des Nations Unies et l’Acte constitutif de l’Union Africaine ».
De défense, puisque les Gouvernements de ces trois Etats « rappellent le droit naturel des Etats à la légitime défense individuelle ou collective », car, ils sont résolus à défendre l’unité nationale et l’intégrité de leurs Etats respectifs. D’où, « en cas de nécessité, ils useront de la force pour faire face aux situations de rupture de la paix et de la stabilité », comme le droit de légitime défense individuelle ou collective est prévu à l’article 51 de la Charte des Nations Unies en cas d’agression armée.
En plus, la Résolution 3314 (XIX) de l’Assemblée générale de l’ONU de 1974, « crée une articulation cohérente entre l’agression armée prévue par l’Article 51 et le recours illicite à la force défini à l’Article 2 alinéa 4 de la Charte des Nations Unies et elle définit comme agression : « l’emploi de la force armée par un Etat contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre Etat, ou toute autre menace incompatible avec les buts de la Charte des Nations Unies, c’est-à-dire le maintien de la paix et de la sécurité internationales ».
Aussi, la Résolution 3314 définit comme un acte d’agression : « invasion, attaque ou bombardement du territoire d’un autre Etat, blocus de ports ou des côtes d’un autre Etat, attaque contre les forces armées ou la marine et l’aviation civiles d’un autre Etat, utilisation des forces armées stationnées sur le territoire d’un autre Etat sans l’accord de cet Etat, mise à disposition de son territoire pour permettre à un Etat tiers d’agresser un autre Etat tiers, envoi des bandes, des groupes armés, de forces irrégulières ou de mercenaires contre un autre Etat ».(V. Maxime Lefebvre, Précis de relations internationales, Paris, PUF, 1997, p. 171-172).
C’est ainsi que, dans les relations internationales, la notion d’agression s’entrecroise régulièrement avec celles de menace, d’attaque ou d’assistance. A cet effet, « les traités de défense collective prévoient une assistance plus ou moins automatique, en cas d’agression ou d’attaque armée. Par contre, en cas de simple menace d’agression, il existe seulement consultations entre les parties. Ainsi, la distinction entre agression et menace se retrouve dans tous les grands traités de défense collective conclus après la Seconde Guerre Mondiale tels que le traité interaméricain d’assistance réciproque ou pacte de Rio établi en 1947 entre tous les Etats américains (sauf le Canada). Outre les règlements pacifiques des différends, le traité de Rio vise une défense commune contre toute agression ou attaque dirigée contre un Etat américain et serait considérée comme une attaque contre tous les Etats américains. Il en est de même du traité de l’Atlantique Nord signé entre les douze membres fondateurs de l’OTAN ou traité de Washington de 1949. En effet, le traité de Washington établit une alliance politico-militaire entre ses membres afin d’assurer une sécurité collective.
En Afrique, le pacte panafricain de non-agression et de défense de 2005, prévoit seulement « un engagement d’assistance dans les deux éventualités notamment en cas d’agression ou de menace d’agression »
Par contre le système de sécurité collective de l’Alliance des Etats du Sahel, tout en considérant les menaces multiformes à l’espace commun aux trois Etats, va au-delà et prévoit à l’image des traités de Rio et de Washington (traité de l’OTAN) que « toute atteinte à la souveraineté et à l’intégrité du territoire d’une ou plusieurs Parties contractantes sera considérée comme une agression contre les autres Parties et engagera un devoir d’assistance et de secours de toutes les Parties, de manière individuelle ou collective, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité au sein de l’espace couvert par l’Alliance » (Article 6 de la Charte instituant la création de l’A.E.S).
Dr ADA Moussa, Ministère des Affaires Etrangères
Contribution à l’analyse de l’Alliance des Etats du Sahel ; une alliance sous régionale de diplomatie, de défense et de sécurité collective