Le Benin dans son élan de générosité, et s’étant subitement découvert une âme charitable, vient de proposer un corridor humanitaire passant par son territoire pour venir en aide <<d’urgence>> aux populations nigériennes qui seraient impactées par les sanctions inhumaines prononcées par la CEDEAO suite aux événements du 26 juillet 2023. Quel cynisme et quelle tartufferie poussés à leur paroxysme !
D’abord la proposition du corridor de l’aide humanitaire tombe mal car, il aurait fallu la proposer dès les premières heures du blocus et des sanctions de la CEDEAO. D’autre part, plutôt que de proposer de l’aide humanitaire n’aurait-il pas fallu tout simplement lever ou ne pas appliquer (unilatéralement)… les sanctions iniques de la CEDEAO (dont le Benin est solidaire) qui touchent principalement les commerces alimentaire et pharmaceutique ?
Ce qu’il faut savoir c’est que l’aide humanitaire (comme au développement), sous la forme que nous la connaissons et telle qu’elle est très souvent proposée par les ‘‘généreux’’ donateurs occidentaux, est bien souvent instrumentalisée par certaines de ces puissances pour affirmer leur hégémonie et maintenir les populations et les Etats vulnérables, notamment du Sud, dans la dépendance et l’assistanat permanents. Si le Niger accepte cette aide, rassurez-vous que les campagnes de désinformation et de dénigrement, contre les vaillantes populations qui ont fait preuve jusqu’ici de résilience, se mettront en place. Campagnes du type : «voyez, les nouvelles autorités militaires affament la population» ! La junte au pouvoir est incapable de faire face aux urgences! Etc. Je vous passe tous les qualificatifs péjoratifs possibles. Par ailleurs, il existe un trop grand risque que les populations vulnérables qui perçoivent ces «aides emprisonnées» ne puissent pas ou plus s’en passer. Sans compter la possibilité du pire : importations de maladies nouvelles ; développement des épidémies ; etc. Ce qui pourrait donc, à terme, servir de prétexte pour l’adoption possible par l’ONU d’une résolution autorisant une intervention militaire au Niger au nom du droit humanitaire et du droit à l’ingérence (doctrine de Kouchner).
Aujourd’hui le Maroc, pourtant frappé par un séisme meurtrier, a rejeté la proposition d’aide humanitaire de la France et de bien d’autres pays occidentaux. Il l’a purement et simplement snobée. Pourquoi ? Et pour cause ! Sans hiérarchiser les malheurs si l’aide humanitaire que propose l’ONU (en réalité les puissances occidentales qui la contrôlent) avec le concours du Benin, est véritablement désintéressée et sincère pourquoi ne la propose-t-elle pas d’abord à la Lybie qui est dans une situation d’urgence bien plus catastrophique suite aux inondations plus meurtrières que le séisme qui a endeuillé le Maroc ? La Libye a davantage plus besoin d’aide humanitaire que le Maroc et le Niger à l’heure où nous écrivons ces lignes. Où sont l’ONU et les âmes charitables qui ont le cœur dans la main ? Aux abonnés absents !
ISSA MAHOMED-LAOUEL
Juriste (France)