Le pastoralisme occupe une place importante au Niger, contribuant significativement à la sécurité alimentaire et au développement rural. Cependant, le secteur est confronté à de nombreux défis, notamment la dégradation des terres, la raréfaction des ressources naturelles et les conflits entre agriculteurs et éleveurs. Dans cet entretien, le Directeur Départemental de l’Elevage de Konni évoque la situation du pastoralisme dans cette zone du Niger, son poids dans l’économie mais aussi les défis auxquels sont confrontés les éleveurs.
Monsieur le Directeur, quelle est la situation globale du secteur pastoral au niveau du département de Konni ?
Merci à l’ONEP de m’avoir donné l’opportunité de m’exprimer sur la situation pastorale au niveau de département de Konni. Dans ce département, nous avons quatre (4) communes à savoir la commune urbaine de Konni et les trois communes rurales qui sont Tsernawa, Bazaga et Alléla. On peut dire sans se tromper que la situation du secteur pastoral est globalement bonne dans l’ensemble, avec un pâturage composé d’espèces comme cenchrus biflorus, aristida mutabilis, olysicarpus, zornia glochidiata, eragrotus tremula, etc. Il faut aussi ajouter le pâturage aérien, c’est-à-dire les ligneux qui sont aussi une alimentation essentielle pour les camelins et les caprins. Pour les points d’eau, ils ont tous atteint leur niveau de remplissage. La situation sanitaire est aussi satisfaisante, mise à part l’apparition des herbes non appétées par les animaux telles que le sida cordifolia.
Dès qu’on parle de Konni, on voit surtout les activités commerciales et agricoles. Quelle est la place réelle de l’élevage dans l’économie de ce département ?
Oui, en effet c’est ce que les gens pensent. En réalité, à Konni, l’élevage est la seconde activité de la population après l’agriculture. C’est la deuxième mamelle de l’économie et contribue à plus de 12% du Produit Intérieur Brut (PIB) et 7% des recettes d’exportation, car nous faisons frontière avec le Nigéria voisin qui est à 4 à 5 km de Konni. Les recettes d’exportations sont très importantes. A Konni, environ 80% des animaux sédentaires appartiennent aux femmes.
Dans le département de Konni, il y a un effectif en unité bovin tropical (UBT) de 515. 519; l’effectif UBT transhumant est de 108. 403 ; l’effectif UBT séjournant est de 407.116 et le besoin UBT séjournant est de 692.097. Pour ce qui est du bilan fourrager de la campagne pastorale 2023-2024, on a eu un disponible au niveau des aires et jachères (champs qui ne sont pas exploités) de 20.247 tonnes de matières sèches. La disponibilité résidus agricoles (les tiges, les fans de niébé, d’arachide, de sorgho, de maïs) est de 153.700 tonnes. Pour ce qui est de la disponibilité des enclaves (les aires de pâturages) qui sont essentiellement réservées au pastoralisme, elle est de 162.000 tonnes de matières sèches. Par exemple, la commune rurale d’Alléla qui est en partie une zone pastorale, presque tous les animaux de la zone de Konni et au-delà partent en transhumance.
Vu le nombre important du cheptel, il faut toujours accompagner, comme d’habitude, avec des aliments complémentaires, notamment les sons de blé et les aliments composés (multivitaminés). Rien que l’année passée, Konni a reçu 130 tonnes de son de blé dont 50 tonnes pour la commune urbaine de Konni, 20 tonnes pour Tsernawa, Bazaga a reçu 20 tonnes et pour la commune d’Alléla, c’est 40 tonnes qui ont été affectées.
Le pastoralisme occupe une place importante au Niger, contribuant à la sécurité alimentaire et au développement rural. Quelles sont les périodes de transhumance ?
Le pastoralisme occupe une place importante et contribue à la sécurité alimentaire, parce qu’il nous procure du lait et de la viande, et au développement rural en fournissant du fumier pour fertiliser et aussi enrichir les champs. Pour ce qui est des périodes de transhumance, le départ est situé entre le mois de mai et juin avec les premiers semis. Quant au retour, il s’effectue entre le mois de novembre et décembre après la fin des récoltes.
Monsieur le directeur, qu’est ce qui explique la transhumance dans votre zone et quel est son but ?
Les raisons essentielles de la transhumance sont liées principalement à la recherche de l’eau et du pâturage à une période donnée de l’année. C’est-à dire que c’est bien défini. Ce n’est pas à tout temps que les pasteurs éleveurs partent en transhumance avec leurs troupeaux. Généralement, c’est après les premières pluies, quand les herbes commencent à pousser, et aussi au moment où, de l’autre côté dans les zones agricoles, les semis ont déjà poussé que les pasteurs éleveurs vont en transhumance. Ça va coïncider avec le stade d’étalage des herbes. Ce qui est bon pour les animaux. Et au bon moment du cycle végétatif. Le but de la transhumance, c’est de conduire les troupeaux loin des champs, loin des zones agricoles pour éviter les conflits, à la recherche du pâturage à une période de l’année, de l’eau et aussi des sels minéraux. Par exemple, lors de la Cure Salée, certains éleveurs, certains transhumants vont jusqu’à Ingall à la recherche de ces sels minéraux.
Comment se porte le pastoralisme avec cette insécurité qui sévit au Sahel ?
Qui dit pastoralisme, dit facteur de paix, de stabilité et de liberté. Mais, aujourd’hui, avec l’insécurité qui sévit dans le pays du Sahel, les pasteurs sont limités. Dans le temps, un éleveur peut quitter ici en transhumant et faire quatre (4) à cinq (5) pays. Rien ne le freine. Pour quitter le Niger, il va au Bénin, au Togo et continue des fois jusqu’en Guinée et aussi au Sénégal. Mais, maintenant, les transhumants ne peuvent même pas traverser notre frontière avec le pays le plus proche qui est à quelques kilomètres d’ici, parce qu’il y a ce problème d’insécurité.
Quels sont les défis auxquels les pasteurs éleveurs sont confrontés et comment les sécuriser ainsi que leurs animaux ?
Les défis sont vraiment nombreux. Il y a, notamment les problèmes d’épizooties (maladies animales), le problème d’eau, c’est-à-dire que les puits pastoraux sont insuffisants, insuffisance des stations de pompage. Il faut reconnaître que pour creuser un puits, il faut vraiment de l’argent. Ce n’est pas toute personne qui a cette capacité ou possibilité. Nous avons le problème de pâturage en période de sécheresse, les pasteurs éleveurs sont aussi confrontés au problème du marché d’écoulement, c’est-à-dire pour vendre leurs animaux. Face à ces différents problèmes, il y a la gestion des crises pastorales et la diversification des moyens de subsistances, la réponse aux situations d’urgence, l’appui institutionnel, le renforcement des capacités, des plaidoyers et aussi la communication. La communication est très importante. Il faut sensibiliser, organiser des forums, produire des sketchs, des théâtres radiophoniques pour sensibiliser les transhumants.
Quelles sont les initiatives mises en oeuvre pour servir d’alternative au pastoralisme transhumant et quel sera l’avenir du pastoralisme ?
Pour les initiatives, l’Etat a fait beaucoup d’actions après les projets. Nous avons eu de l’amélioration pour ce qui est de la santé animale, les campagnes de vaccination, l’amélioration de la gestion des ressources naturelles et la facilitation de l’accès au marché. On peut dire que, malgré tous les défis, tous les problèmes qui freinent son développement, le pastoralisme est toujours porteur d’espoir.
Farida .A. Ibrahim (ONEP)