Le phénomène de la mendicité prend des proportions inquiétantes face auxquels les autorités et acteurs sociaux s’insurgent. Devenue fonds de commerce de nos jours, la pratique de la mendicité perd tous ses fondements et donne une mauvaise image au pays surtout à l’échelle internationale et cela malgré l’existence de la loi sur la mendicité qui peine à être appliquée dans sa plus grande rigueur.
M.Boka Abdoulaye, acteur culturel, a fustigé dans sa chanson intitulée « Bara » ou tendre la main, ce phénomène. Mieux, il estime que l’Islam a bien structuré la pratique de la mendicité, où seules les personnes démunies, notamment les handicapés et les personnes âgées, peuvent y faire recours pour avoir à manger.
En effet, il suffit de faire un tour au niveau de certains carrefours de la capitale Niamey pour constater comment cette pratique a pris des proportions inquiétantes. Ce qui est inquiétant, c’est que ceux et celles qui s’adonnent à la mendicité sont en grande partie des personnes qui n’ont aucun handicap et qui sont donc valides. Ces personnes qui se transforment en mendiants sont pour la plupart les plus riches de leurs villages. Ces derniers, explique M. Boka Abdoulaye sont en possession de plusieurs maisons en location, des comptes bancaires et autres commerces. « Ce n’est pas la pauvreté qui est donc à la base de cette pratique, mais du « mutuwan zuciya » c’est à dire que leur ‘’cœur est soumis ‘’ à la résignation, à être une personne sans valeur. Or, ils sont des bras valides qui ne souffrent d’aucune vulnérabilité, mais par escroquerie, ils ont compris que tendre la main rapporte plus d’argent que le travail. Ces derniers oublient que cette pratique sape nos valeurs socio-culturelles et donne une mauvaise image du pays et cela même à l’échelle internationale où la moitié de mendiants rencontrés sont considérés comme des ressortissants nigériens du moment où le nom Niger est assimilé à la mendicité », a-t-il expliqué.
C’est conscient que cette pratique est nuisible pour la société que M. Boka Abdoulaye musicien et cadre du Ministère de la Culture, a composé une chanson intitulé ‘‘Sallon bara’’ ou ‘‘stratégie de mendicité’’, une œuvre qui vise à dénoncer les techniques utilisées afin d’attirer l’attention de la population sur les tournures que prend le fléau. Pour Boka Abdoulaye, cette chanson est une contribution au combat contre la pratique. « La mendicité a perdu son sens connu ; l’on ne vient plus en aide à des personnes en situation de vulnérabilité, car les cibles sont des personnes riches qui amadouent les fidèles en utilisant divers prétextes (un parent hospitalisé, une ordonnance, etc.). Cette forme d’escroquerie doit cesser pour redonner à notre patrie toute sa valeur », dit-il.
Aussi, les oulémas doivent sensibiliser l’ensemble de la population afin qu’on puisse venir à bout de cette pratique qui ternit l’image du pays, surtout en cette nouvelle ère de changement qui demande une résilience des citoyens. « Il appartient à chaque citoyen de faire preuve de solidarité, de partage et d’unité en bannissant la mendicité », ajoute-t-il.
Pour rappel la loi sur la mendicité existe mais son application effective fait défaut.
La récente décision prise par le Gouverneur de la région de Niamey tombe à point nommé et doit faire école dans les autres régions du pays.
« Désormais, les rues de Niamey se sont pratiquement vidées de ses nombreux mendiants, mais cela ne durera pas longtemps car, faute de suivi ces mendiants vont revenir dans leur ancienne activité. Dans ce cas de figure, il faut que les autorités mettent des équipes de suivi et de veille qui vont circuler et prendre les récidivistes », estime M. Boka. Il suggère le recensement des personnes réellement en situation de vulnérabilité et la mise en place des comités de fonds pour collecter les contributions des fidèles en nature et en espèces, un appui continue, dont l’objectif est de créer des activités génératrices de revenus. « En dehors de l’Etat, les citoyens doivent changer leurs comportements, refuser de céder à la manipulation et à la stratégie utilisée par les partisans du gain facile », ajoute-t-il.
C’est au regard du succès fort encourageant de sa chanson « Sallon bara » que l’artiste musicien a décidé de réaliser un film documentaire de 13 minutes. Une œuvre qui a vu le jour grâce à l’appui du Centre National de la Cinématographie du Niger (CNCN) et du Ministère de la Culture à travers le Fonds d’Appui au Développement Artistique et Structurel (FONDAC). « La diffusion du film prolongée de la version de 26 minutes sera incessamment projeté exclusivement dans les prochains jours, sous le haut parrainage du ministre de la Jeunesse, de la Culture, des Arts et des Sports et du Gouverneur de la région de Niamey », annonce-t-il. Le changement social et comportemental face au phénomène de la mendicité sont indispensables pour éloigner la société nigérienne de ces antivaleurs et contrevaleurs.
Rachida A. Kané (Stagiaire)