Du 13 au 15 novembre 2024 s’est tenu, au Palais des congrès de Niamey, le forum national sur les décès maternels et périnatals au Niger. Cette grande rencontre a regroupé tous les acteurs intervenant dans le secteur de la santé et bien au-delà. Il s’agit d’un événement stratégique pour redynamiser les efforts de réduction du phénomène dans le pays. Le forum est placé sous le thème : « Plus jamais de décès maternels et périnatals évitables au Niger ». Trois jours durant, les participants ont dressé un état des lieux précis de la problématique de santé publique au Niger. Ils ont identifié les réalisations, les lacunes et les actions nécessaires et favorisant des engagements concrets pour apporter un grand changement. La grande réunion de Niamey a été sanctionnée par une déclaration dite de Niamey, élaborée et signée en présence du Premier ministre Ali Mahaman Lamine Zeine qui avait présidé la cérémonie de clôture.
Le forum organisé par le Ministère de la Santé Publique de la Population et des Affaires Sociales, en partenariat avec des parties prenantes essentielles telles que l’UNICEF, l’UNFPA, l’OMS, est l’aboutissement d’une série de rencontres régionales au cours desquelles chaque région du Niger a diagnostiqué ses besoins spécifiques et formulé des recommandations adaptées. Il constitue un cadre pour concrétiser les engagements de chaque partie prenante et définir des actions claires et mesurables pour réduire la mortalité maternelle et périnatale.
Un des taux les plus élevés de mortalité maternelle et néonatale en Afrique de l’Ouest et Centrale
Malgré des progrès réalisés au fil des années, les données révèlent que la mortalité néonatale a augmenté de façon préoccupante, passant de 24 pour mille en 2015 à 43 pour mille en 2021, selon l’Enquête Nationale à Indicateurs Multiples pour les Femmes et les Enfants (ENAFEME 2021). Cette mortalité contribue à environ 75 % des décès infanto-juvéniles, plaçant le Niger parmi les pays ayant les taux les plus élevés de mortalité infanto-juvénile dans la région. Quant à la mortalité maternelle, bien qu’elle ait baissé, passant de 652 décès pour 100 000 naissances vivantes en 1992 à 520 en 2015, elle reste encore bien au-dessus de l’objectif des ODD, qui vise un seuil de 70 pour 100 000 naissances vivantes d’ici 2030.
Impacts des facteurs structurels et sociaux
L’accès limité aux soins prénataux et d’urgence obstétricale, la faible couverture en personnel qualifié et la lenteur dans l’amélioration des infrastructures sanitaires continuent de menacer la santé des femmes et des nouveau-nés. L’enquête de 2020 sur l’Initiative Nationale de Renforcement de la lutte contre les hémorragies du post-partum a mis en lumière un taux de mortalité maternelle de 446 pour 100 000 naissances vivantes, rappelant l’urgence d’actions concertées. Ces décès, indicateurs critiques d’iniquités sociales, traduisent des lacunes profondes dans l’accès aux soins de santé de qualité. Les principales causes directes des décès maternels sont les hémorragies graves, qui surviennent avant, pendant et après l’accouchement (34 %), l’hypertension liée à la grossesse (28 %) et les infections pendant la grossesse ou après l’accouchement (24 %).
Quant aux causes indirectes, elles incluent l’anémie, présente dans 71 % des décès maternels, suivie du paludisme, qui en est responsable dans 13 % des cas. Les causes des décès néonatals au Niger, telles que les infections (32 %), l’asphyxie (29 %) et les complications liées à la prématurité (24 %) soulignent l’urgence d’assurer des soins adéquats avant et pendant la naissance. Toutefois, pour que ces soins parviennent à sauver des vies, il est essentiel de comprendre les obstacles structurels et sociaux qui freinent leur efficacité.
Des engagements forts des parties prenantes
La crise de la mortalité maternelle et néonatale au Niger est exacerbée par les «trois retards» identifiés par les spécialistes. Ces retards, allant de la prise de décision des ménages à l’accès difficile aux soins et à la prise en charge dans les structures de santé, révèlent les défis multiples qui contribuent à l’aggravation de la situation. Pour le Premier ministre, Ali Mahaman Lamine Zeine, « ces décès sont une perte pour notre économie, un affaiblissement de notre potentiel de développement, mais ce sont surtout des tragédies qui nous rappellent l’immense responsabilité qui est la nôtre ». L’objectif du CNSP est que plus aucune femme ne soit privée de soins pour des raisons financières, a-t-il affirmé. « La mortalité maternelle et périnatale n’est pas seulement une question de santé publique, mais aussi et surtout un enjeu fondamental pour l’avenir de notre nation, un défi qui interroge notre conscience collective et notre capacité à protéger les plus vulnérables », a-t-il déclaré avant de rendre un hommage mérité aux personnels de santé qui se mobilisent en permanence aux côtés des familles pour réduire le taux de mortalité des mères et des enfants au Niger.
Le chef de file des Partenaires Techniques et Financiers, Dr Casimir Manengu, représentant de l’OMS au Niger, a réitéré quant à lui, au nom de tous les Partenaires Techniques et Financiers, leur engagement sans faille à continuer d’accompagner les autorités du Niger et à faire du décès maternel et périnatal une Urgence de Santé Publique.
Il faut noter que le troisième jour du forum a été consacré au dialogue national sanctionné par une déclaration importante dite de Niamey, officialisée lors de la cérémonie de clôture. Elle constituera une feuille de route pour le gouvernement, les organisations de santé et les partenaires.
Seini Seydou Zakaria (ONEP)
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Panels sur les décès maternels et périnatals : Formulation des actions efficaces pour réduire le fléau
Les journées du 13 et 14 novembre 2024 ont été dédiées à la tenue de plusieurs panels animés par des experts sur les questions liées à la santé de la mère et de l’enfant et d’autres préoccupations. L’objectif est de contribuer à réduire le taux des décès maternels et périnatals.
Ainsi, les panels de la première journée ont porté sur les défis en matière de prise en charge, ressources humaines, infrastructures, matériels, équipements, médicaments et autres produits de santé ainsi que la continuité des soins. Les panélistes ont fait le tour du thème enrichi par des témoignages poignants de certains participants avant de formuler des recommandations sur le thème.
Le panel sur les acquis et défis dans le domaine socio-anthropologique et démographique est composé des représentants de toutes les couches socioprofessionnelles et religieuses. Ils ont fourni d’amples explications sur la situation. Pour Mme Hadjara Arzika, Directrice Générale de la Promotion de la Femme et de la Protection de l’Enfant, les enjeux socioculturels et discriminatoires sont autant de difficultés qui entravent les bonnes conditions des femmes enceintes. Selon elle, on constate que, dans des sociétés ou dans des communautés, il y a des tabous alimentaires pour les femmes enceintes ou pour les petits enfants et cela peut jouer sur l’état de leur santé. Elle a aussi ajouté que l’excision pratiquée sur les jeunes filles peut avoir des conséquences néfastes sur son état de santé.
La présidente du Réseau des Femmes Africaines, Ministres et Parlementaires (RFAMP/Niger), Dr Moussa Fatimata, a mis un accent particulier sur l’exclusivité et la participation. Pour elle, les femmes qui sont concernées doivent être au forum ainsi que les grandes organisations féminines. Elle a expliqué que le défi de l’implication des autres reste un problème majeur dans l’amélioration de la santé de la femme. C’est un défi de responsabilisation des hommes pour qu’ils prennent en compte les enjeux.
Le Chef de Canton de Sakoira, l’honorable Moussa Saadou, a, pour sa part, souligné les défis auxquels la chefferie traditionnelle est confrontée pour contribuer efficacement à la mortalité maternelle et périnatale. « Nous sommes engagés à visiter régulièrement les formations sanitaires afin de créer un climat de confiance entre le personnel soignant et la population. Nous sommes aussi engagés à sensibiliser la population sur les dangers qu’elle est entrain de courir par rapport aux mariages précoces et les accouchements à domicile », a-t-il déclaré en appuyant son intervention avec des témoignages émouvants sur la situation sanitaire.
Dr Mamane Sani du Laboratoire d’Etudes et de Recherches sur les Dynamiques Sociales et le Développement Local (LASDEL/FLSH) a souligné, dans son exposé, que le Niger est encore loin en termes de capacité à répondre aux normes internationales en matière de prise en charge. Mais des avancées ont été enregistrées à travers l’expansion de la couverture sanitaire de façon globale, la transformation des cases de santé en Centres de Santé Intégré (CSI), ce qui a permis d’accroître la couverture sanitaire, a cela s’ajoutent également la création des centres de santé mère et enfant et l’ouverture des unités néonatales. Malgré tous ces efforts, le défi d’assurer une meilleure prise en charge reste toujours à venir.
Deux panels ont été animés lors de la deuxième journée du forum, sur les questions de propositions d’interventions efficaces à court, moyen et long termes pour réduire la mortalité maternelle et périnatale, et les mécanismes appropriés de mise en œuvre des interventions. Les échanges entre les panélistes ont particulièrement concerné les actions à entreprendre pour renforcer les initiatives et susciter les engagements communautaires et des décideurs politiques pour une riposte synergique et inclusive aux décès maternels et périnatals, proposer des mécanismes pertinents de mise en œuvre de ces dernières, faire le point sur la surveillance des décès maternels, périnatals et riposte.
Les différentes parties prenantes ont à tour de rôle, pris la parole pour faire cas des difficultés rencontrées, des pratiques à corriger, des réalités des populations vivant dans les zones rurales avant de procéder à la proposition de solutions idoines. Dans les témoignages, le Chef de Canton de Illéla, Honorable Elhadji Yacouba Habibou Oumani, a salué les efforts accomplis par le gouvernement et ses partenaires, notamment le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) qui a fait bénéficier les membres de l’Association des Chefs Traditionnels du Niger (ACTN) de plusieurs formations au sujet de la santé de la mère et de l’enfant. « Aujourd’hui, si nous comprenons plusieurs termes scientifiques utilisés par les experts, c’est grâce à ces formations. Nous menons plusieurs séances de sensibilisations dans nos entités respectives pour réduire la mortalité maternelle et infantile et les mariages précoces », a-t-il témoigné.
Pour sa part, le président du collectif de l’association islamique de Tahoua, Malam Moustapha a souligné l’importance capitale de ce forum. Le prédicateur a mis l’accent sur les mariages précoces des jeunes filles qui constituent un véritable fléau.
Salima H. Mounkaila & Massaouda Abdou Ibrahim (ONEP)
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Des signatures d’engagement des différentes autorités et autres parties prenantes
En ma qualité de Premier ministre, ministre de l’Economie et des Finances, je m’engage à :
- assurer le suivi et la riposte des décès maternels et périnatals en mettant en place un observatoire dédié à cet effet ;
- présider la réunion semestrielle du comité interministériel pour le suivi de la mise en œuvre des engagements pris par les différentes Parties Prenantes ;
- veiller à l’allocation d’au moins 15% du budget de l’État à la santé chaque année ;
- veiller à l’extension de la couverture sanitaire ;
- veiller à doter chaque District Sanitaire de blocs opératoires, laboratoires et services d’imagerie médicale.
- assurer le décaissement des fonds pour le paiement de la totalité des factures validées qui seront émises dans le cadre de la gratuité des soins à la fin de chaque trimestre ;
- assurer chaque trimestre le paiement des frais compensatoires en lien avec la réduction des tarifs de prestations ;
- octroyer des postes budgétaires pour le recrutement chaque année des ressources humaines selon les besoins exprimés par le Ministère de la Santé Publique, de la Population et des Affaires Sociales.
Gouverneurs des régions
En nos qualités des Gouverneurs des régions, nous nous engageons à :
- veiller à la fonctionnalité de tous les comités de surveillance des décès maternels, périnatals et riposte (réunions mensuelles pour les comités départementaux et communaux et trimestrielle pour le comité régional) ;
- convoquer chaque mois une réunion avec les parties prenantes pour faire le point sur les engagements pris ;
- suivre et réorienter les activités des ONGs pour une meilleure synergie d’actions dans le cadre de la réduction des décès maternels et périnatals ;
- veiller au respect de l’application strict du pré plan de couverture sanitaire.
Partenaires Techniques et Financiers
En nos qualités des Partenaires Techniques et Financiers, nous nous engageons à :
- contribuer à l’extension de la couverture sanitaire physique par la construction des CSI ;
- contribuer à la dotation de chaque District Sanitaire de blocs opératoires, laboratoires et services d’imagerie médicale ;
- rehausser le financement des activités visant l’accélération de la réduction des décès maternels et périnatals évitables ;
- doter les centres de santé périphériques en ambulances
- doter en matériel chaque année 100 nouveaux sites SONU ;
- créer 100 coins du nouveau-né chaque année ;
- doter 100 salles Kangourou en matériel chaque année ;
- doter les formations sanitaires en produits vitaux ;
- appuyer le renforcement de capacité des ressources humaines à travers le mentorat ;
- appuyer la livraison au dernier kilomètre des produits vitaux ;
- appuyer les formations sanitaires en ressources humaines (sage-femmes, infirmiers et médecins).
Chefs traditionnels et Chefs religieux,
En nos qualités de Chefs traditionnels et Chefs religieux, nous nous engageons à :
- Organiser une sortie de sensibilisation par Chef de Canton/Groupement par mois dans le rayon 0-5 km du chef-lieu de Canton/Groupement ;
- Visiter régulièrement les services de santé afin d’améliorer les relations entre la population et le personnel soignant;
- Sensibiliser la diaspora pour le financement de la santé dans la région ;
- Sensibiliser les populations sur les risques liés au mariage précoce et aux accouchements à domicile;
- Contribuer à la notification des cas des décès maternels et périnatals au niveau communautaire.