« Mesdames et Messieurs les Présidents des Institutions ;
Mesdames, Messieurs les députés ;
Mesdames, Messieurs les membres du gouvernement,
Mesdames et Messieurs les chefs de missions diplomatiques et représentants des organisations internationales,
Chers invités
Je voudrais tout d’abord féliciter les organisateurs et les participants à cette importante rencontre pour leur présence ici au Niger, malgré les contraintes sanitaires imposées par la pandémie de la Covid-19. Je salue également ceux qui sont avec nous par visioconférence.
Nous avons choisi de consacrer cette conférence aux questions de stabilisation dans les zones de conflit et à la lutte contrele terrorisme insurrectionnel dans le Sahel central et le bassin du Lac Tchad.Ce sont là deux sujets de préoccupation essentiels. Nous devons en effet stabiliser les zones de conflits où l’activité des groupes terroristes perturbe la quiétude des populations, désorganise les circuits économiques et empêche la délivrance des services sociaux de base. Nous devons, en même temps, lutter contre les groupes terroristes, qui utilisent parfois des tactiques de type insurrectionnel pour tenter de défaire nos armées et de se faire accepter des populations.
Je voudrais relever et apprécier le format de la présente rencontre qui réunit des chercheurs, des universitaires et des hommes de terrain. Je ne doute pasque lesdiscussions et les conclusions qui en découleront, contribueront de façon décisive aux stratégies domestiques et communautaires en cours pour la paix et la stabilisation au Sahel central et dans le bassin du Lac Tchad. L’ambition du Niger est de faire de ce Forum international un lieu de rencontre permanent où, une fois par an, ces questions sont analysées et débattues par les meilleurs spécialistes dans ces domaines.
Mesdames, Messieurs,
Nos pays appartiennent à l’ensemble sahélien et au bassin du Lac Tchad. C’est une identité géographique singulière, qui cumule une variété importante de potentialités les plus diverses avec les mêmes facteurs géopolitiques.Ce continuum territorial est vaste et capitalise une histoire prestigieuse connue pour la prospérité de son économie, la diversité de ses peuples et la richesse de ses cultures.Les vicissitudes de l’histoire font qu’il est occupé aujourd’hui par plusieurs États aux trajectoires semblables et qui sont confrontés à une multitude de défis, notamment institutionnel, sécuritaire, climatique et démographique, tous préoccupants, tous entrelacés les uns avec les autres.
Ainsi, au plan politique, nos sociétés ont besoin d’institutions démocratiques fortes. Elles ont enclenché partout ce processus d’ouverture de la vie politique au début des années 90, l’enjeu étant pour elles d’asseoir à terme des instituons politiques solides,stables et inclusives, pleinement fonctionnelles et jouissant d’une forte légitimité. Il faut reconnaître que ce processus est parfois chaotique mais nous le gérons, conscient que nous sommes, de la valeur ajoutée qu’il apporte à nos pays. L’alternance démocratique que nous allons réaliser au Niger, le 02 avril prochain est, une étape importante dans la prise en charge du défi institutionnel dans notre pays.
Au plan économique, nos sociétés sont caractérisées par la prédominance d’une économie rurale à fortes potentialités et en cours de mutation, mais largement et structurellement entravées dans son développement, ce qui nous oblige à engager des réformes parfois douloureuses. Il s’agit à l’évidence de créer les conditions nécessaires à l’impulsion d’une croissance durable et économiquement profitable à toutes les composantes de nos sociétés, surtout les plus pauvres.
Au plan environnemental, la situation devient de plus en plus précaire avec le changement climatique et pourrait compromettre à terme l’existence même de nos populations. Depuis, plusieurs décennies, les pays du Sahel central,ainsi que les pays du bassin du Lac Tchad subissent les conséquences dramatiques du changement climatique et ses effets désastreux en termes de désertification, de dégradation des sols et des écosystèmes, de déplacements de populations. La parfaite illustration de cette situation est le Lac Tchad qui se rétrécit comme peau de chagrin perdant 90% de sa superficie par rapport aux années 60.
Au plan démographique, nos sociétés connaissent des mutations rapides à tous les niveaux : croissance démographie exponentielle, extrême jeunesse de la population élevant de façon considérable les coûts de nos politiques sociales et exigeant de nous de concevoir et de mettre en œuvre des politiques hardies pour capturer le dividende démographique, ce qui exige comme préalable de maîtriser la fécondité, d’investir dans le capital humain et dans la création d’emplois.
Aujourd’hui, le défi le plus saillant du moment est le défi sécuritaire avec la présence de groupes armés terroristes (GAT) et criminels dans le Sahel Central et le bassin du Lac Tchad. Ces groupes disputent aux Etats le contrôle de régions entières, particulièrement en zones rurales. S’il arrive qu’ils organisent des attentats dans les capitales et principaux centres urbains, ils semblent surtout chercher à développer une stratégie d’ancrage au sein des populations, dont ils s’efforcent d’obtenir l’allégeance. Ces groupes recrutent des intermédiaires pour l’extorsion et le prélèvement de fonds et instrumentalisent les conflits locaux pour se poser en protecteur de certaines franges de la population. Ils utilisent également la violence et la menace pour imposer par la terreur leur diktat aux communautés et contrôler certaines activités, licites et illicites, pour acquérir des moyens opérationnels de subsistance, et générer ainsi les ressources financières nécessaires à leur résilience. Enfin, ils pratiquent une justice expéditive, et cherchent à se poser en contre-exemple de la mauvaise gouvernance et des lenteurs des administrations étatiques. Les récents massacres des populations innocentes, dans les régions de Tillabéry et Tahoua, confirment cette stratégie de la terreur. A la mémoire de ces victimes innocentes et à celles de toutes les autres victimes du terrorisme, je vous demande d’observer une minute de silence.
Mesdames, Messieurs,
Depuis 2017, ces groupes ont acquis des moyens militaires considérables et semblent avoir bénéficié d’un renfort de combattants arrivés du Moyen-Orient. Ils n’hésitent pas à s’attaquer aux installations militaires et ciblent les forces de défense et de sécurité en déplacement. Ils s’en prennent aux représentants de l’administration et aux symboles de l’État, provoquent la fermeture de nombreux établissements scolaires, des déplacements massifs de populations,aggravent l’insécurité alimentaire, réduisent la capacité des États à réagir efficacement et cherchent à étendre leur influence au-delà du Sahel et du bassin de Lac Tchad.
C’est pour faire face de manière coordonnée à l’activité de ces groupes armés terroristes, que le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad ont créé en 2014 le Groupe des cinq pays du Sahel (G5 Sahel) et mis en place en 2017 une coalition militaire : la Force conjointe du G5 Sahel. Les deux États du Sahel riverains du lac Tchad, le Niger et le Tchad, ont également créé, avec le Cameroun et le Nigeria, un commandement unifié au sein de la Force multinationale mixte, dans le cadre de la Commission du bassin du Lac Tchad (CBLT) en 2015.
C’est également pour faire face à la menace qu’ils représentent que nous avons tissé des alliances et en particulier que nous avons plaidé pour la création d’une coalition internationale de lutte contre le terrorisme au Sahel dont la stratégie consiste à intensifier la lutte contre cet ennemi, à poursuivre la montée en puissance des armées nationales, à créer les conditions de retour des États sur les territoires et à promouvoir le développement.Avec toutes ces mesures prises, je pense que les conditions de la victoire finale contre l’ennemie sont en place. Les opérations déjà menées et en cours donnent d’excellents résultats. C’est le lieu de saluer et de féliciter les forces nationales, les forces conjointes, les forcesalliées notamment la France et les États-Unis pour leur mobilisation et leur engagement sans faille.Sachons exploiter nos victoires et nous en avons ainsi décide au dernier Sommet du G5 Sahel ainsi qu’à la réunion de la Coalition Sahel tenus respectivement les 15 et 16 février derniers.
On peut certes déplorer que cette crise perdure dans notre sous-région,en dépit des efforts importants que nous consentons, on peut déplorer que ses expressions les plus manifestes soient en constante transformation, intégrant de nouveaux espaces de fragilité et d’insécurité, complexifiant davantage les problèmes à traiter, et ce malgré une mobilisation conséquentedenosÉtatset denos partenaires mais à terme nous vaincrons le terrorisme et le crime organisé.
Nous continuerons notre marche avec fermeté, nous mobiliserons les ressources qu’il faut, nous mettrons en place des réponses durables qui apporteront l’espoir dans toutes ces régions meurtries par les conflits aux conséquences désastreuses que les terroristes nous imposent.
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi d’évoquer la situation particulière du Niger. En dépit des défis évoqués plus hauts, le Nigera connu ces dernieres années des taux de croissance économique remarquables en mettant en oeuvre des politiques économiques concluantes et en consentant des efforts considérables pour équiper et former ses Forces de Defénse et de Securité. Les actions quotidiennes de ces forces, leurs sacrifices constants et l’engagement dont elles font preuve nous permettent d’aller de l’avant et de garantir des conditions d’existence normales. Je me dois ici de leur rendre un hommage méritéet de saluer les martyrs de ce combat, ceux qui ont donné leur vie pour que nous continuions à avancer dans la voie du progrès et de la paix. Nous sommes conscients que l’outil militaire bien que nécessaire, ne suffit pas. Il faut le combiner avecd’autres instruments.
Ainsi, nous nous efforçons tous les jours à promouvoir des politiques d’inclusion et d’intégration en direction des populations vivant dans des zones géographiquesvulnérables. Nous développons des politiques d’engagement et de dialogue avec nos populations pour renforcer la légitimité et la crédibilité de l’Etat. Nous mettons en œuvre des politiques qui mettent l’accent sur la cohésion sociale et l’entente entre les communautés. Nous veillons également à renforcer la résilience des populations à travers des programmes économiques à impact immédiat, qui contribuent à stabiliser les zones affectées par les crises. Nous sommes convaincus que la poursuite d’une politique de développement durable et inclusif, le renforcement de la présence de l’État dans toutes ces zones meurtries, contribuent tout autant que l’action militaire à la résolution finale de la crise dans le Sahel et le Bassin du Lac Tchad.
Le Gouvernement du Niger est engagé dans ces actions qui complètent l’effort militaire. En particulier, la Haute Autorité à la Consolidation de la Paix, qui organise le présent Forum de réflexion, a développé depuis plusieurs années une expertise saluée par nos partenaires, dans les domaines de la stabilisation des zones de conflit. Dans ces zones, il est important de reconstituer le tissu social mis à mal par l’action des groupes criminel et terroriste. Il faut déployer tout l’arsenal des techniques de prévention et de gestion de conflit, promouvoir les dialogues intercommunautaires, établir des canaux entre l’État et les communautés affectées, renforcer la justice et la bonne gouvernance, protéger les populations et assurer un accès équitable aux services publics de santé, d’éducation, d’eau et de sécurité.
Ainsi, les programmes mis en place par la Haute Autorité à la Consolidation de la Paix, créent un terrain favorable pour l’action militaire. L’action des Forces armées permet, à son tour, de faciliter la mise en œuvre des actions visant l’amélioration des conditions de vie des populations.
Mesdames, Messieurs,
Il est urgent de ramener définitivement la paix. Il est grand temps que les immenses ressources dont nos régions regorgent soient exploitées pour industrialiser nos économies et pour améliorer les conditions de vie de nos populations. Il faut saisir l’occasion pour amorcer le décollage de nos économies. Il faut que nous travaillions à créer les conditions d’un développement durable dans cette sous-région qui en a tant besoin.
Nous devons travailler à renforcer la démocratie et à promouvoir l’amour du travail bien fait, à potentialiser nos ressources économiques par la construction d’infrastructures à même de les valoriser.
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais saluer tous les partenaires qui nous ont accompagné dans notre démarchepour la paix et le développement. La convergence des efforts est plus que jamais nécessaire. Les projets en cours au niveau de l’AllianceSahel sont prometteurs. Avec le Programme Prioritaire de Développement d’Urgence du G5 Sahel, le moment est sans doute venu d’amorcer les politiques qui s’imposent pour le salut de notre sous-région. Au-delà de ce programme d’urgence nous devons tout mettre en œuvre pour le financement du Plan d’Investissement Prioritaire (PIP) du G5 Sahel.
J’attends de cette conférencel’examen et la mise en évidence des liens qui doivent exister entre d’un côté les programmes de stabilisation, et de l’autre, les opérations militaires de lutte contre le terrorisme insurrectionnel couplées aux actions de sécurisation des populations conduites par les forces de sécurité intérieure. Nous devons rechercher et renforcer le nexus sécurité-démocratie-développement.
En vous rassemblant ici, notre objectif estdemettre ensembleles acteurs des programmes de stabilisation et ceux qui conduisent les opérations militaires sur le terrain, les politiques, ainsi que les experts et les chercheurs, afin de parvenir à une meilleure compréhension mutuelle des objectifs, priorités et attentes de chacun des acteurs impliqués.
Je fonde l’espoir que cette conférence vous permettra de déboucher sur des recommandations qui nous permettront d’accélérer la sortie de crise afin de nous consacrer aux grands chantiers de développement qui marqueront le XXIème siècle, qui sera, je ne le doute pas, le siècle de l’émergence du continent africain.
Je vous remercie.».