
Avec un niveau d’endettement record de la première économie mondiale, les États-Unis d’Amérique (35 295 Md$ en 2024, soit 121% de son produit Intérieur Brut ou 34,6% de la dette publique mondiale), la question de la stabilité du système financier international se pose plus que jamais. Le monde pourrait assister à un nouveau Bretton Woods, mais cette fois, avec une révolution technologique et géopolitique sans précédent. L’or, symbole intemporel de valeur, pourrait revenir comme garantie, mais cette fois-ci intégré aux technologies de pointe comme la blockchain. Cette hybridation entre l’ancien et le nouveau mondes marquerait une rupture majeure dans l’histoire monétaire voire de l’histoire de l’humanité, où la confiance ne reposerait plus uniquement sur des promesses, mais sur des actifs tangibles et des systèmes décentralisés.
Dans ce contexte, je prédis que la guerre monétaire entre le dollar et l’euro prendra une dimension stratégique cruciale. Ces deux monnaies, autrefois piliers de l’économie mondiale, sont désormais des armes dans une lutte d’influence pré-guerre entre de l’Occident et la Chine (2e PIB mondial en 2024 avec 18 273 Md$ contre une dette publique de 90,1% du PIB ou 16,1% de la dette publique mondiale). Les États-Unis, en particulier, avec l’industrie manufacturière, la finance, les technologies et les services cherchent à maintenir leur hégémonie face à la montée en puissance de l’empire militaro-économique chinois, qui remet en question l’ordre établi depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’euro, quant à lui, tente de survivre dans ce jeu de pouvoir, mais son rôle semble de plus en plus marginalisé.
Le nouvel axe du monde n’est plus l’Atlantique, mais bien le Pacifique. Cette région incarne le cœur de la bataille pour la domination technologique et économique. La possession des terres rares, indispensables à la high-tech et à l’Intelligence Artificielle, est devenue un enjeu stratégique majeur. Celui qui contrôle ces ressources contrôle l’avenir. La Chine détient aujourd’hui 85% des terres rares mondiales nécessaires aux industries aéronautique et technologique. La Chine, avec ses investissements massifs dans les infrastructures et sa mainmise sur les chaînes d’approvisionnement, a pris une longueur d’avance. Les États-Unis, de leur côté, tentent de rattraper leur retard en renforçant leurs alliances et en relocalisant certaines productions stratégiques.
Dans cette confrontation, l’empire états-unien et l’empire chinois s’affrontent pour la domination mondiale. Le reste du monde, en dehors des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), semble déjà hors-jeu. Les autres nations, qu’elles soient européennes, africaines ou latino-américaines, sont réduites au rôle de spectateurs ou de pions dans cette grande partie d’échecs. Leur voix compte peu, leur poids économique et politique est marginalisé. Les BRICS, en revanche, représentent une force montante, capable de contester l’ordre établi et de proposer une alternative au système dominé par l’Occident.
Le retour à des valeurs tangibles comme l’or, l’intégration des technologies disruptives (blockchain), et le basculement géopolitique vers le Pacifique, théâtre de la rivalité entre les États-Unis et la Chine pour la domination mondiale est enclenché. Il annonce un monde bipolaire où les anciennes alliances et monnaies sont remises en question, et où le reste du monde risque de devenir un simple spectateur.
En fait, qu’on l’accepte ou non, nous assistons donc à une reconfiguration majeure des équilibres mondiaux. Le retour de l’or, la guerre des monnaies, la bataille pour les ressources stratégiques et la rivalité entre les États-Unis et la Chine dessinent les contours d’un nouvel ordre mondial. Dans ce contexte, les nations qui ne parviennent pas à s’adapter ou à s’allier risquent de disparaître de la carte géopolitique. Le monde de demain sera bipolaire, avec d’un côté l’empire états-unien et de l’autre l’empire chinois. Tout le reste ne sera que décor.
Dans ce nouvel ordre mondial en pleine mutation, où l’or pourrait retrouver son rôle central comme garantie de stabilité financière et monétaire, les États africains producteurs d’or, particulièrement nos trois pays de la Confédération des États du Sahel (1er producteur africain combiné d’or avec plus de 150 tonnes d’or par an), ont une responsabilité historique. Nous devons passer désormais de la case «je me plains, je ne suis pas content et je le dis», à la case «on concentre nos efforts sur la mutualisation et la valorisation optimale de nos précieuses ressources».
Si l’Afrique, particulièrement l’Afrique de l’Ouest, veut vraiment redevenir adulte, le Liptako Gourma, riche en ressources stratégiques, représente bien plus qu’une manne économique : c’est un levier de puissance et de souveraineté. Le Sahel a, aujourd’hui, avec la Confédération des États du Sahel, une opportunité unique de reprendre les cartes en main et de redéfinir son avenir pour le bien des peuples de la zone. Il est impératif que nos nations gèrent leurs stocks et réserves avec la plus grande gourmandise, en évitant toute dilapidation à court terme. Une gestion prudente, visionnaire et stratégique de ces richesses permettra non seulement de renforcer leur position dans les négociations internationales, mais aussi de garantir notre autonomie face aux géants économiques et aux fluctuations des marchés. Même en l’absence de grandes technologies de pointe, l’or est une carte maîtresse dans le jeu géopolitique actuel : jouons-la avec sagesse et ambition.
Hamma HAMADOU