Monsieur le Directeur général, le musée que vous dirigez actuellement est un beau cadeau de l’un des pères de notre indépendance, en l’occurrence feu Boubou Hama, il se trouve que cet établissement a perdu un peu sa splendeur d’antan, selon certains observateurs, sur son aspect zoologique. Qu’en est-il exactement ?
Merci bien à vous de me donner l’occasion de parler du musée Boubou Hama, notre bien commun à nous tous les Nigériens. Je dois rappeler que le musée national est plus vieux que le Niger indépendant. Il a été créé en 1958 et inauguré un an plus tard, en 1959 par feu Président Diori Hamani. Depuis sa création, on sait que c’est une sorte d’ancrage c’est-à-dire qu’on ne fait seulement pas un musée ethnographique, on en a aussi intégré l’aspect de zoo. Et c’est d’ailleurs l’aspect qui intéresse la plupart de nos visiteurs. Il est vrai que de par le passé, précisément vers 2018, on a assisté à une réduction drastique de notre « cheptel » si je peux parler en termes d’animaux. Et les gens en ont beaucoup parlé pour critiquer. Effectivement, à mon arrivée en 2020, le musée ne comptait que 70 individus d’animaux, toutes catégories confondues. Mais depuis trois ans, les choses ont significativement évolué et dans le bons sens. La situation est en train d’être maitrisée. Aujourd’hui, nous sommes à 146 individus. On a donc doublé le nombre d’animaux. Il faut souligner que le plus souvent ceux qui critiquent le musée ne viennent même pas ou en tout cas ils le visitent rarement. Donc ils ne peuvent pas objectivement apprécier ce qui s’y passe. Par rapport au zoo, qui est d’ailleurs l’aspect le plus visible, qui est la vitrine de notre patrimoine naturel, si l’Etat a voulu faire l’ancrage, c’est justement pour permettre aux citoyens et aux touristes de voir ces animaux sans avoir à parcourir de longues distances dans nos forêts et savanes. C’est-à-dire qu’il n’y a qu’au musée qu’on peut venir croiser le regard d’un lion, d’une hyène, d’un hippopotame, d’un singe ou d’une vache Kouri venue du Lac Tchad à plus de 1500 km et bien d’autres merveilleux animaux. Nous, nous sommes dit que par rapport à notre programmation sur la réhabilitation du musée, il faut commencer par renforcer la partie zoo parce qu’il intéresse le plus le public de la capitale. Les gens vont majoritairement du côté plus vivant. A l’époque où le zoo était bien fourni, il y avait jusqu’à deux cents individus. Nous sommes en train de monter progressivement pour rehausser l’effectif d’animaux.
Qui vous soutient dans cet effort que vous menez pour renforcer le patrimoine zoologique du musée ?
Une institution comme le musée, si ça marche, c’est d’abord l’honneur de tous les gens qui y travaillent. Mais l’Etat, de par sa fonction, lui qui l’a créé, il lui appartient de financer la programmation budgétaire. Il faut dire que l’Etat nous donne une subvention d’équilibre, étant donné que nous-mêmes faisons des recettes qui peuvent même égaler le montant de la subvention. Cette année, nous avons réalisé 106 millions de francs CFA de recettes. Certes le musée est une institution à vocation non lucrative, mais elle doit aussi pouvoir s’autofinancer. A mi-parcours de l’année, nous sommes déjà à 146000 visiteurs avec des pics d’entrées pendant les deux fêtes religieuses. Pendant la tabaski 2023, nous avions enregistré plus de 56000 visiteurs. Nous avons aussi des recettes que nous enregistrons au niveau du centre éducatif où les recettes ont atteint 56 millions, uniquement pour les frais d’inscription. Donc, l’un dans l’autre, si le musée fonctionne plus ou moins bien, c’est pour cela. On ne doit pas toujours attendre de l’Etat. A notre niveau, c’est manquer du cœur si nous nous ne pouvons pas faire des actions qui vont permettre à l’Etat d’apprécier ce qu’on est en train de faire. L’Etat, conscient du rôle du musée et de son importance, nous a inscrit un budget de 380 millions F CFA pour financer le programme de sauvegarde.
Vous disiez que musée regorge actuellement 146 animaux. Ces animaux sont-ils issus de la faune locale uniquement ?
Quand on parle de musée, on ne peut pas vivre en autarcie. On est ouvert vers la sous-région et au monde. Nous sommes partis jusqu’en Afrique du Sud pour commander des zèbres et les amener ici, des animaux que le musée n’a jamais eus et qui sont aujourd’hui là. Sachant que l’homme est animé par un besoin naturel de savoir, nous sommes engagés à le satisfaire. Nous avons commandé un couple de kangourou de l’Australie parce que tout simplement le public en demande. Nous n’avons donc pas une vision étriquée. Nous avons d’autres animaux qui n’existent pas au Niger comme les chimpanzés, les babouins etc… Ceux qui connaissent le musée des années 70-80, se rappellent encore de la femelle chimpanzé Sophie-IFAN. Comme, les visiteurs aiment ce qui est nouveau, exotique, nous avons amené outre les chimpanzés, les antilopes Koudou dont le poids peut atteindre 250kg, l’émeu qui est un oiseau d’Australie. Bref, notre programme d’acquisition concerne aussi bien le patrimoine national mais de la sous-région et même des pays très lointains d’autres continents. Pour nous, le musée est un instrument d’accroissement du savoir, un laboratoire de notre unité nationale.
Monsieur le directeur parlez-nous de la prise en charge de ces animaux du musée national.
Un animal, s’il est bien entretenu, il suffit juste de le regarder et on le saura. En termes de l’entretien du zoo, en 2022, cela nous a coûté 48,5 millions F CFA dont 10,4 millions F CFA pour l’entretien des vaches et des hippopotames. A comparer à la subvention d’équilibre qui est de 128 milions F CFA, vous comprenez que l’on fait des efforts pour maintenir en vie et en bonne santé ce cheptel. Nous avions rehaussé la ration alimentaire des animaux. Nous sommes en train d’améliorer les conditions de vie des animaux. Vous aurez constaté que nous avons créé une partie où les animaux vivent en semi-liberté pour qu’ils se sentent moins stressés et un peu plus épanouis. C’est le cas des zèbres, des antilopes, de l’Emeu qui vivent dans une espèce de biotope, de micro climat qui leur ôte un peu la nostalgie de leurs milieux naturels. La tendance, aujourd’hui, est qu’il n’y ait plus d’animaux dans les cages. Et nous essayons de nous adapter. Notre prochaine action sera l’espace réservé aux lions qui seront en semi-liberté dans un rayon d’environ 150 m. J’ai bon espoir que les autorités actuelles nous aiderons dans ce sens puisqu’il y va de la sauvegarde de notre patrimoine, le musée qui est un miroir.
Qu’en est-il du personnel chargé de gérer ces animaux dont le nombre augmente progressivement ?
Effectivement, la gestion de ce parc animalier requiert aussi de la main d’œuvre suffisante. Or, comme vous savez, ça fait longtemps que l’Etat n’engage pas dans la fonction publique en tout cas en ce qui nous concerne. Nous avons actuellement un personnel de 56 agents donc seulement 9 cadres et seulement 4 agents fonctionnaires. Tout le reste, c’est des contractuels que nous payons grâce aux efforts propres de l’établissement. Nous nous sommes dit que nous ne devons pas rester sans rien faire et qu’il faut recruter un personnel technique et pratique. L’Etat n’a pas remplacé ceux qui sont partis à la retraite et c’est pourquoi nous avons recruté, en attendant que l’Etat mette à notre disposition le personnel car, le personnel, c’est la force et la fierté de l’institution. Dans nos rapports de fin d’année, lors de nos rencontres avec les autorités de tutelle, nous avons toujours posé nos doléances dans ce sens. Et même lors des interviews avec les média, comme c’est le cas aujourd’hui, nous lançons un cri de cœur. C’est l’Etat qui a créé le musée, c’est à lui de l’entretenir. Nous sommes là en train de faire le maximum de ce que nous pouvons.
Qu’en est-il du programme de rénovation et de réhabilitation du musée national Boubou Hama et quelle perspective pour son parc zoologique ?
Comme je l’ai dit, il y’a trois ans, le cheptel muséal était de 70 individus, aujourd’hui nous avons 146 individus. Rien qu’en 2023, nous avons fait une acquisition de 52 individus toutes catégories confondues. Nous avons ceux qui viendront d’ailleurs. Nous avons programmé d’amener des zèbres, des éléphants mais de manière progressive car, il ne s’agit pas juste d’amener pour amener. Je me suis dit qu’il nous faut aller 200 espèces en 2024.
Avez-vous un appel à lancer à l’endroit des Nigériens par rapport au musée national ?
Mon premier cri de cœur, c’est à l’endroit de l’Etat, même s’il est vrai que la gestion du musée est l’affaire de tout le monde, étant donné qu’il est un patrimoine national, de tout nigérien imbu de la fibre patriotique. Il faut reconnaitre que l’assistance à l’aspect culturel au Niger n’est pas au pivot, comme on le voit ailleurs où les particuliers apportent leurs contributions. Nous invitons par conséquent tous les Nigériens à penser au musée National Boubou Hama sous forme de philanthropie. Lorsqu’on fait don à un musée, ce n’est pas de la charité, mais un investissement à vie. Si aujourd’hui, le musée s’appelle Musée Boubou Hama, c’est parce que Boubou Hama a fait quelque chose pour faire rayonner le musée. Nous appelons surtout les hautes autorités, les membres du gouvernement, les hauts responsables à fréquenter et faire fréquenter le musée, pour vanter tout son intérêt. Des onze chefs d’Etat que nous avons eus dans ce pays, seuls trois ont visité le musée national. Nous demandons aussi aux opérateurs économiques de penser au musée et surtout aux compagnies de téléphonie de venir occuper les espaces du musée. Il offre une visibilité garantie. La gestion du musée est une question de souveraineté et la souveraineté a un prix.
Réalisée par Zabeirou Moussa (ONEP)