
Lors de l’entretien sur le plateau de la RTN
Monsieur le ministre, peut-on espérer intégrer la médecine traditionnelle dans le système formel et moderne de soins ?
C’est aussi une question importante de l’amélioration de l’accès aux soins. Dans ce cadre le Ministère a entrepris des actions, notamment la mise en place d’une commission nationale de réflexion pour la promotion de la médecine traditionnelle et nous avons mis en application la règlementation de l’exercice du métier des tradipraticiens. Ce qui nous a donné des résultats appréciables et 66 autorisations d’exercice ont été données à des tradipraticiens. Nous avons en perspective l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie nationale de la médecine traditionnelle et l’intégration des médicaments améliorés dans la prise en charge des malades dans le système conventionnel. Nous avons en projet de faire le répertoire des plantes médicinales et la création d’un jardin botanique.
Dans quel état se trouvent aujourd’hui l’ONPPC et le LANSPEX qui ont joué un rôle de premier plan dans la politique sanitaire au Niger, particulièrement dans l’approvisionnement des Pharmacies Populaires ?
En ce qui concerne l’ONPPC, rappelons d’abord que sa mission est l’approvisionnement de nos formations sanitaires publiques comme privées en produits pharmaceutiques de bonne qualité et accessibles financièrement mais aussi géographiquement (disponibles dans tous les coins du pays). Actuellement, l’ONPPC vit une situation de surendettement accumulé depuis plusieurs années. C’est ça qui entrave même ses activités. Il y a des commandes qui ont été faites à coût de millions. Quand ça arrive au niveau de l’ONPPC, les produits sont vendus mais l’argent disparaît. L’Etat investit pour acheter des médicaments, les commandes arrivent, mais dans la pratique, lorsque ces médicaments sont vendus, ce fonds est utilisé à d’autres fins au lieu de l’utiliser pour pouvoir réapprovisionner. Donc, il y a eu accumulation des dettes, ce qui fait qu’il y a beaucoup de fournisseurs qui sont en train de nous interpeller par rapport à leurs dettes. C’est une situation que nous avons trouvée et que nous sommes en train de gérer. Et cela constitue une grosse entrave pour ladite structure.
Cependant, les choses sont en train de changer depuis le 26 juillet 2023. Nous avons fourni des efforts à travers l’approvisionnement en médicaments par la voie aérienne qui nous a permis d’avoir un taux de satisfaction en ce qui concerne les médicaments des structures sanitaires qui est passé de 17 % en 2023 à 67 % en novembre 2024 grâce bien sûr à l’accompagnement du Gouvernement. Nous avons signé quelques conventions de partenariat avec certains pays dans le cadre de l’approvisionnement de l’ONPPC en produits pharmaceutiques. En perspective au niveau de l’ONPPC, nous comptons d’abord renforcer la capacité de stockage parce que cet office n’a pas des magasins de stockage des produits pharmaceutiques. Ce qui s’est passé est que l’ONPPC avait ses magasins que tout le monde connaissait. On a enlevé les toits de ces magasins prétextant des travaux de réfection de ces toits, ce qui n’a pas été fait. Et l’ONPPC est obligé de louer les magasins privés. C’est une autre hémorragie financière. Nous sommes en train de faire en sorte que ces magasins puissent être réhabilités pour que l’Office soit autonome en ce qui concerne la gestion des stocks.
Est-ce qu’on a une idée sur les dettes sous lesquelles croule cette structure et si oui, est-ce qu’il y a eu un mécanisme qui est mis en place pour les résorber ?
Nous avons une idée de cette dette à travers un document qui a été établi, un document de prise de consigne. Je n’ai pas de chiffres exacts, mais juste pour vous donner une idée, je me rappelle d’une commande qui m’a vraiment surpris qui a été faite en Inde pour 176 millions de FCFA qui est arrivée au niveau de l’ONPPC. Cette commande a disparu. On ne sait pas ce qui s’est passé et chaque fois le fournisseur nous demande de rembourser son argent de 2020-2021.
Il y a d’autres fournisseurs au niveau de Lomé et c’est ça qui me dérange. A chaque fois que je suis de passage, il y a des fournisseurs qui sont au courant. Ils viennent demander audience et nous entendons dire : ‘’vous avez pris nos produits en 2019, en 2017, vous n’avez pas remboursé’’. Ce qui est surprenant avec les gens là, comment vous pouvez fournir des produits depuis 2017 et vous avez laissé les autres là, de 2017 à 2023, sans chercher à être dans vos droits ? Mais, vous attendez quoi depuis tout ce temps-là pour venir réclamer vos dettes ? Et c’est maintenant que les gens sortent et disent que nous avons des dettes de 2017, de 2018.
C’est vrai et c’est ça qui fait mal. Quand on vérifie les documents, on trouve qu’effectivement, c’est vrai. Ils ont fourni ces produits-là, mais ils n’ont pas été remboursés. Et c’est ça qui constitue vraiment de gros obstacles pour l’ONPPC.
Mais, nous allons continuer à nous battre pour que l’ONPPC puisse assurer sa mission parce que l’objectif, c’est de fournir des médicaments essentiels à un coût abordable au niveau de toutes nos formations sanitaires, de nos officines populaires. Vous savez que sur l’ensemble du territoire national, nous avons 43 officines de pharmacies populaires. L’objectif, c’est d’arriver à un taux de satisfaction d’au moins de 90 %.
Monsieur le ministre, comment renforcer le dispositif de contrôle et de suivi des médicaments et autres produits, conformément aux textes en vigueur ? Parce que la question, c’est qu’on voit ce qu’on appelle ces ‘’pharmacies par terre’’ qui font beaucoup de dégâts au niveau de la Santé Publique.
Avant de revenir à votre question, permettez-moi de dire un mot sur le laboratoire national de Santé Publique et d’expertise (LANSPEX). Cette structure a la charge du contrôle de qualité des produits de santé, des aliments, de l’eau et les expertises toxicologiques et environnementales dans le but de sauvegarder la santé de la population. Le LANSPEX a assuré en 2024 l’analyse de plus de 500 échantillons d’aliments, plus de 200 médicaments génériques et plus de 1000 échantillons d’eau. En perspective, nous comptons faire de ce laboratoire un centre d’excellence de formation et de contrôle de qualité des médicaments, de l’eau, des boissons et nous comptons renforcer le cadre de collaboration du LANSPEX avec les autres secteurs.
Il s’agit des Ministères de l’Agriculture, de l’Environnement, du Commerce, de l’Industrie, de l’Intérieur. Nous comptons réaliser l’audit d’accréditation de ce laboratoire et enfin créer un réseau de contrôle de qualité avec les autres pays de l’AES.
Pour revenir à votre question concernant le renforcement du dispositif de contrôle, du suivi des médicaments et autres produits de santé, d’abord, nous avons, pour gérer cette question, mis en application l’arrêté réglementant les dons. Avec l’application de cet arrêté, nous avons pu faire l’identification, la quantification et l’utilisation rationnelle des dons. En perspective, nous comptons poursuivre l’application de cet arrêté qui réglemente les dons. Nous avons aussi fait le renforcement des mécanismes de contrôle et surveillance des médicaments et autres consommables médicaux au niveau des centrales d’achat et des officines publiques et privées par l’IGS, l’ANRP et le LANSPEX. Cela nous a permis d’avoir des résultats très appréciables. Nous avons démantelé 17 cas de trafics illicites de médicaments. En même temps, nous avons procédé à la destruction des tonnages importants de produits contrefaits. Et 200 médicaments, 500 échantillons, comme je le disais tantôt, et plus de 1000 échantillons d’eau ont été analysés par le LANSPEX. Nous comptons poursuivre le contrôle de qualité des médicaments et la destruction des médicaments contrefaits. Nous comptons mutualiser nos efforts avec les autres pays de l’AES pour pouvoir contrôler cette affaire des médicaments.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous décliner dans ces grandes lignes votre politique en matière de population. Quelle place occupent la femme, la famille et les enfants dans cette politique ?
Il existe une politique nationale de population 2019-2035 qui vise à promouvoir la parenté responsable au sein de la population. Les grandes lignes de cette politique se résument d’abord au suivi de la croissance démographique, le renforcement de la qualité du capital humain, ce qui est très important pour l’amélioration de l’autonomisation des femmes, y compris les femmes handicapées, qu’il ne faut pas aussi oublier.
Monsieur le ministre, les affaires sociales, on le voit, constituent la dernière composante de votre portefeuille. Qu’avez-vous fait de marquant et de déterminant dans ce domaine parce que vous êtes aussi attendu dans ce domaine ?
Comme faits marquants, nous pouvons citer la réouverture du fonds de soutien aux personnes handicapées, qui a été bloqué depuis 2020, permettant ainsi aux personnes handicapées de bénéficier de la protection sociale. Le président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie, Chef de l’Etat, à l’issue de l’audience accordée aux personnes handicapées, a pris la décision de rouvrir ce fonds, et c’est ce qui a été fait à la grande satisfaction des personnes handicapées. Il y a eu le renforcement à la mobilité et l’autonomisation des personnes handicapées par l’achat et la mise à disposition de matériel de réhabilitation. Il y a eu assistance médicale au profit de 120.868 personnes âgées, de 27.685 personnes handicapées. Et 14.012 personnes demunies ont bénéficié de l’assistance médicale. Il y a eu également le soutien social de 157 filles handicapées en cours de scolarisation par des cash transferts, etc.
Une dernière question, monsieur le ministre, nous sommes dans une confédération. S’agissant de votre portefeuille, de façon générale, quelles sont les initiatives prises dans le cadre de l’AES ?
La création de la Confédération AES, c’est une véritable opportunité pour nous de nous organiser afin de mettre en place des structures sectorielles visant à faciliter la progression de l’AES vers l’atteinte des objectifs durables. Ainsi, dans le domaine de la santé, nous avons d’ores et déjà pu entreprendre certaines actions.
En effet, si vous vous rappelez, j’ai conduit une mission de travail au Burkina Faso du 27 au 29 octobre 2023 qui a permis de jeter les bases de collaboration entre les deux pays en matière d’approvisionnement en médicaments, en matière de surveillance transfrontalière et d’échanges d’expérience.
Nous avons pris part à Bamako au Mali, du 31 juin au 1er août 2024, aux festivités marquant la journée panafricaine des femmes, en présence d’une délégation de Burkina Faso. Donc, les trois ministres réunis, nous avons retenu en tout cas de faire la mise en place d’un cadre de consultation et d’échange des Ministères en charge de la promotion de la femme, en vue de mener des réflexions, prendre des initiatives et actions de développement économique, social, culturel, environnemental. La création d’une plateforme d’organisation faitière des femmes de la Confédération des États du Sahel en vue de réaliser des actions communes pour supporter nos différents Chefs d’État.
Aussi, en août 2024 à Brazzaville, en marge de la réunion du comité régional OMS, nous avons eu des échanges avec les deux ministres en charge de la Santé du Burkina Faso et du Mali sur certaines questions, notamment la surveillance épidémiologique.
Comme perspective au niveau de l’AES. Nous envisageons renforcer la collaboration à tous les niveaux afin de favoriser une meilleure coopération en matière sanitaire à travers l’organisation d’une rencontre des trois ministres en charge de la Santé. Nous pensons que c’est à cette occasion que diverses questions peuvent être traitées pour qu’on puisse vraiment avancer. Nous pensons qu’avec ce cadre de réflexion, nous pouvons développer en tout cas les arguments en faveur de la création et de l’organisation en charge de la thématique sanitaire dans l’espace. Nous pouvons proposer la dénomination de l’organisation en charge de la thématique sanitaire et élaborer ses textes de création, identifier les domaines prioritaires à prendre en charge par l’organisation tels que l’organisation et la coordination des offres en matière de vaccination, de surveillance épidémiologique et la collaboration dans le domaine de la formation, de prise en charge des malades surtout qui font l’objet d’évacuation. Je pense qu’on peut s’entendre pour que les malades qui font l’objet d’évacuation, qu’on puisse créer les conditions pour que ces malades puissent être pris en charge au sein de l’espace AES. Donc nous pensons que ce cadre va nous permettre de gérer ce genre de questions. Il en est de même, en ce qui concerne les médicaments. On peut trouver un mécanisme qui va nous permettre de gérer la question de l’approvisionnement en médicaments des pays de l’AES. Donc, cette question peut être traitée à l’occasion de ce genre de rencontre. Nous sommes déjà en train de travailler là-dessus et nous allons faire des propositions aux autres ministres de l’AES.
Quel est votre mot de la fin pour cet entretien ?
Je tiens d’abord à remercier les plus hautes autorités du pays, au premier rang desquelles, le Président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie, Chef de l’État, le Général de Brigade, Abdourahamane Tiani, et le Premier ministre, M. Ali Mahaman Lamine zeine, pour leur engagement dans l’amélioration de la santé de la population nigérienne, comme en témoignent les principales réalisations qui ont été faites. Je voudrais réitérer notre détermination à renforcer la résilience de notre système par le développement de l’offre et de la demande de soins à travers le rehaussement de l’accès aux soins à tous, l’investissement massif dans le cadre des ressources humaines et le renforcement des interventions visant à réduire les risques financiers liés à la santé. Nous comptons également faire le renforcement de la résilience de notre système de santé pour faire face aux risques de crise sanitaire future et la création des unités et des centres spécialisés au niveau des hôpitaux pour la réalisation de la greffe rénale, les spécialités pointues évoquées. Je voudrais également féliciter et encourager tout le personnel de santé pour son dévouement et son fort engagement dans la gestion des services de santé. Je l’exhorte à redoubler d’efforts pour rendre notre système de santé plus résilient, plus solide, afin qu’on puisse mener notre pays vers la souveraineté totale.
Script : ONEP