
M. Ibrahim Moussa Kouré
La commune urbaine de Dosso fait partie des communes du Niger qui n’ont pas été impactées par les inondations enregistrées lors de la campagne agro-sylvo-pastorale 2024. Et pour cause, le réflexe d’anticipation dont l’administrateur délégué a fait preuve, à travers la lecture d’une étude scientifique sur les prévisions météorologiques réalisée à la veille de chaque saison de pluies. Ce faisant, dès son installation à la tête de la commune urbaine de Dosso, M. Ibrahim Moussa Kouré a intensifié curage des caniveaux et autres travaux d’hygiène et d’assainissement pour parer aux éventuelles inondations annoncées dans cette étude scientifique. Dans cet entretien, l’Administrateur délégué de la commune urbaine de Dosso revient sur les actions phares qu’il a posées depuis son installation à la tête de cette collectivité territoriale.
Monsieur l’Administrateur Délégué, l’un des défis majeurs auxquels les collectivités territoriales font face au Niger, c’est bien la question de la mobilisation des ressources pour pouvoir répondre à certaines exigences, quelle est votre approche par rapport à la mobilisation des ressources auprès des administrés ?
Dès notre prise de service, nous avons compris que la tâche qui est la nôtre requiert des moyens conséquents. Et les moyens, il faudrait aller les chercher là où ils se trouvent. C’est pourquoi, dès la première semaine de prise de fonction, nous avons essayé de rencontrer tous ceux qui peuvent amener un apport estimable par rapport à cette mobilisation des ressources sans laquelle il ne saurait y avoir d’actions réelles sur le terrain. C’est ainsi qu’à l’intérieur même du service, nous avons rencontré le service qui s’occupe de la mobilisation des ressources. Nos orientations sont claires, il faut que les agents de la commune urbaine de Dosso se mettent au travail. Nous avons une obligation de résultats. C’est d’ailleurs l’objectif pour lequel nous avons été nommé à ce poste. Mieux, il faut travailler d’arrache-pied pour améliorer les conditions de vie de la population de Dosso. Voilà notre fil conducteur. Pour ce faire, nous avons essayé de réorganiser le service chargé de la mobilisation des ressources. C’est ainsi que nous avons créé un service de recouvrement qui n’existait pas par le passé.
Nous avons aussi identifié et approché tous les groupes susceptibles d’apporter de l’argent à la commune afin de les structurer. C’est dans cette optique que nous avons recensé plus de 500 « Aday-dayta » dont chaque propriétaire doit payer 6.000 FCFA à la commune. Certes, ils ne sont pas habitués à payer ce montant, mais au bout de nos concertations, le consensus a prévalu et le montant forfaitaire de 3.000 FCFA a été fixé pour un début. Nous avons aussi rencontré les commerçants, notamment les transporteurs pour leur expliquer que l’entrée de la ville est payante parce que les transporteurs déversent des déchets le long de leur passage. C’est là une nouvelle taxe que nous avons identifiée afin de la collecter dans l’intérêt exclusif de la commune. Cette nouvelle taxe a commencé déjà à donner ses fruits. Sur un mois, nous avions collecté 1.500.000 FCFA voire 2.000.000FCFA. Pour revenir aux transporteurs ‘‘Aday-dayta’’, nous avons échangé avec leur syndicat pour fixer un délai moratoire à l’issue duquel ils doivent payer effectivement ce qui est prévu comme taxe. En plus, il y a aussi des taxes qui n’étaient pas payées au niveau des marchés environnants des villages appartenant à la commune, tout simplement parce que les agents ne se rendent pas sur les lieux pour les collecter. Nous avons changé la donne. Et aujourd’hui, il y a des taxes que la commune a prévu de prélever et qu’on est en train de collecter. Nous sommes à 260% de recouvrement de ces taxes.
Monsieur l’Administrateur délégué, la campagne agricole 2024 a été abondante à l’échelle du pays avec comme corollaire les inondations qui ont entrainé d’importants dégâts, comment vous avez vécu et géré ce temps d’urgences humanitaires dans votre entité territoriale ?
Certes il y’a eu des inondations un peu partout à l’échelle du pays et de la région de Dosso. Mais, Dieu merci, la commune urbaine de Dosso a été épargnée par cette catastrophe naturelle. Parmi les huit grandes villes du Niger, la ville de Dosso n’a pas été inondée, grâce à notre sens d’anticipation. Cela n’est pas un fait de hasard parce que lorsque je suis arrivé, connaissant un peu la ville, je me suis attelé à faire des curages de caniveaux pendant pratiquement deux mois, soit mai-juin 2024. Il n’y a pas un seul caniveau de la ville de Dosso qui n’a pas été curé et nous avons exigé, à ceux qui ont eu le contrat, de ramasser les déchets, pour éviter le déversement systématique dans les caniveaux dès la première pluie. J’ai personnellement vérifié tous les caniveaux pour réellement voir si les consignes ont été respectées par les entreprises ayant en charge l’exécution des travaux. C’était même la condition que nous avons posée pour que les entreprises soient payées intégralement.
La commune urbaine de Dosso est une commune qui reçoit chaque année une bonne pluviométrie. Ce sens d’anticipation m’a valu les félicitations de la ministre de l’Action Humanitaire et de la gestion des Catastrophes lors d’une visite à Dosso. Elle m’avait même posé la question de savoir comment j’ai fait pour que la ville de Dosso soit épargnée des inondations. De long en large, je lui ai expliqué les travaux qu’on a entrepris avant le début de la saison des pluies. Là où il n’y a pas de caniveau, nous avons fait des tranchées avec les moyens de bord, notamment les engins pour canaliser vers un écoulement qui déverse dans les caniveaux. Je ne dis pas qu’il n’y a pas eu des inondations, mais aucune classe de la commune n’a été occupée par les habitants pour fait des inondations. C’est pour dire que l’inondation a été vraiment minimisée dans notre commune.
Monsieur l’Administrateur délégué, l’un des problèmes auxquels les collectivités territoriales sont confrontées, est celui de l’hygiène et l’assainissement, qu’en est-il concrètement pour la commune urbaine de Dosso ?
A mon arrivée, le service d’hygiène et d’assainissement n’avait pratiquement que deux agents pour une ville qui a 133.000 habitants. La formule que j’ai trouvée a consisté à recruter une quinzaine de sourds pour nous aider à assainir la Ville de Dosso. Le service est exécuté par ces employés de façon exemplaire à travers une bonne organisation et répartition des quartiers à charge pour ces employés. Lorsque nous avons des travaux communs à faire, les équipes sortent ensemble pour aller dans la zone cible et réaliser le travail. Nous avons trouvé certains engins sur cales. Avec les moyens mobilisés, nous avons réparé ce qui est réparable pour la continuité du service. Certes les camions sont en mauvais état, amortis si on peut le dire, mais ils arrivent quand-même à rendre service à la ville de Dosso. Le service d’hygiène et assainissement se révèle être le service où la commune met beaucoup plus de moyens. Peut-être parce qu’il est justement le premier, le second est l’Etat-Civil. Je pense que ce sont les deux services qui donnent même aux communes leur essence. Mieux, l’Etat a créé les communes pour qu’elles puissent faire le travail d’hygiène et assainissement et le service d’Etat civil. C’est pourquoi, nous essayons de prendre ces aspects en charge avec la célérité requise. Lorsqu’une commune exécute ces deux tâches, la population va le sentir et cela est indiscutable.
Il y a de cela quelques mois que vous êtes à la tête de la commune urbaine de Dosso, quelles sont les actions phares que vous avez eu à poser ?
Notre approche a consisté d’abord à donner une image positive de cette mairie qui est là pour la population. Je suis particulièrement allergique lorsqu’un citoyen de la commune vient demander un acte et qu’on le fait trainer pendant des semaines. Depuis mon arrivée à la tête de cette mairie, cela n’est plus possible. Quel que soit ce qu’un citoyen demande, il faudrait qu’il ait une réponse dans la semaine. Il faudrait qu’on change cette image peu reluisante de nos collectivités territoriales. C’était le premier acte que j’ai posé. Il s’agit de servir la population pour laquelle nous avons été nommés.
Ensuite, je parlais tantôt de l’hygiène et assainissement. Nous avons essayé de construire des dépotoirs qui sont placés dans chaque quartier pour permettre aux populations de déverser leurs déchets. Ces derniers sont récupérés chaque dimanche. Avec le peu de moyens dont nous disposons, nous sommes en train de travailler correctement. Actuellement, la ville est dans le noir et nous allons essayer au niveau de la commune de commander des lampadaires.
Nous faisons chaque fois de la sensibilisation auprès de la population en utilisant les canaux susceptibles de véhiculer l’information. Dans ce cadre, nous faisons régulièrement recours à la Radio RTN et surtout en langue locale pour expliquer les actions entreprises au niveau de la commune afin que les populations puissent adhérer. L’hygiène et l’assainissement est un domaine qui nécessite le concours de chacun au sein de la population. Les dépotoirs sont disponibles et il suffit que les déchets soient versés là où il faut pour que la mairie puisse aussi travailler de façon efficace et efficiente. Les femmes, les jeunes sont impliqués dans notre stratégie. Personne ne sera laissé pour compte. Nous faisons un focus sur les jeunes dans le cadre de la stratégie parce qu’ils constituent l’avenir de la population. C’est ainsi que nous avons installé dans les quartiers des groupes de jeunes que nous appelons ‘’ groupes de veille’’ qui font de la salubrité de façon périodique. La mairie les accompagne avec des matériels pour l’exécution de leurs travaux.
Interview réalisée par Hassane Daouda (ONEP), Envoyé Spécial