Même si la lutte traditionnelle est considérée de nos jours comme partie intégrante des sports au Niger, elle conserve son caractère socioculturel et traditionnel. En effet, la danse traditionnelle, le «Kirari» ou défi et l’accoutrement des lutteurs sont des éléments importants de la lutte traditionnelle au Niger. Pratiquée depuis la nuit des temps, à la fin des récoltes par les jeunes dans plusieurs contrées du pays, la lutte traditionnelle a évolué en donnant à ses composantes, danse, «kirari» et accoutrement, une valeur ajoutée lors des différentes éditions du Sabre National. Ainsi, un concours de danse, de «kirari» et d’accoutrement est institué à chaque édition pour récompenser les meilleurs lutteurs en danse, en «kirari» et en accoutrement.
La 42ème édition du Sabre National de la Lutte Traditionnelle tenue à Niamey du 24 décembre 2021 au 2 janvier 2022 n’a pas dérogé à la règle. En effet, en dehors des compétitions pour le sabre, les lutteurs des différentes régions ont aussi rivalisé en danse, en «Kirari» et en accoutrement traditionnel des lutteurs. A l’issue de ces concours les différents jurys composés des anciens lutteurs et Maitre Mari Malam Daouda ont proclamé les résultats par catégorie.
Ainsi, en «Kirari» c’est Tillabéri qui a remporté la première place suivie d’Agadez et de Tahoua respectivement deuxième et troisième. En Danse, c’est Maradi qui a remporté la première place suivie de Tahoua et Diffa respectivement deuxième et troisième et enfin en accoutrement ou tenue de lutteurs, c’est encore Tillabéri qui a remporté la première place suivie d’Agadez deuxième et de Tahoua troisième. Les lauréats ont reçu des prix et récompenses en espèces et en nature.
Expliquant les critères déterminant de la notation à ces concours le Président des Jury, Maitre Mari Malam Daouda a souligné que pour ce qui est du «Kirari», il y’a la morphologie du lutteur, sa physionomie, c’est-à-dire, comment il se présente et qu’est-ce qu’il porte ? Est-ce qu’il garde son calme ou il est en colère ? Il y’a aussi l’harmonie des couleurs de son accoutrement. «Ce sont tous ces critères que nous regardons pour noter les lutteurs, sans oublier la forme et le fond de ce que le lutteur émet comme message. Quand un lutteur emprunte les mots ou les phrases de quelqu’un dans sa présentation, il perd quelques points. C’est pourquoi, il faut avoir un message originel, créé par vous-mêmes. La voix du lutteur aussi compte dans les notations. Il y’a enfin l’harmonisation des paroles», a expliqué Maitre Mari Malam Daouda.
En ce qui concerne les autres domaines, la danse et l’accoutrement, il a souligné que les critères sont entre autres l’harmonie entre les pas exécutés et le rythme de la musique. Et il faut que la danse soit du terroir de chacune des localités ; il faut aussi que le lutteur soit très bien présentable dans un accoutrement avec tous les aspects, comme les gris-gris et autres. Depuis l’instauration des concours il y’a près de 10 ans, Maître Mari Malam Daouda a souligné qu’il y’ a une évolution dans leur organisation parce que les régions et les candidats prennent de plus en plus conscience.
Initier pour revaloriser et sauvegarder ces valeurs
Ces différents concours ont été initiés depuis quelques années pour face aux défis de l’acculturation et de l’abandon de certaines de nos valeurs traditionnelles et culturelles que portait la lutte traditionnelle. En effet, selon plusieurs observateurs et acteurs importants de la lutte traditionnelle nigérienne, dont le plus connu est Maître Mari Malam Daouda, il a été constaté de plus en plus, l’abandon de certaines valeurs qui font la beauté, l’animation et la joie de la lutte en général et des lutteurs en particulier, la danse au rythme du principal instrument de musique de la lutte qui est la «Goundoua», l’accoutrement de lutteurs qui est ce style vestimentaire d’un lutteur lors qu’il sort de chez lui pour une compétion de la lutte et le ‘’Kirari’’ qui est ce cri accompagné des paroles fortes de défis aux adversaires. «C’est au regard de la disparition petit à petit de toutes ces valeurs que des concours sur lesdits aspects ont été institués», a expliqué Maître Mari Malam Daouda, tout en ajoutant que cela vise à réintégrer et à revaloriser ces valeurs qui font la beauté, la joie de la lutte.
Les initiateurs de ces concours ont en effet vu juste et clair. Aujourd’hui, on retrouve des lutteurs qui luttent avec des culottes, des lutteurs qui ne connaissent pas comment ont fait les «kirari», des lutteurs qui ne savent même pas danser et en face des grios qui perdent la valeur ajoutée de cet instrument de musique de la lutte.
Cadre par excellence d’expression de la force, de la bravoure, du courage et de la défiance, la danse, le Kirari et l’accoutrement de lutteurs sont des ingrédients qui font la beauté de la lutte. C’est pourquoi, tous les acteurs de la lutte reconnaissent que l’initiation de ces concours est une bonne chose pour la sauvegarde et la revalorisation desdites valeurs culturelles et traditionnelles.
Ali Maman(onep)