Depuis des décennies, le secteur agricole au Niger est confronté à de nombreux défis, notamment des conditions climatiques difficiles, des sols pauvres et des rendements agricoles insuffisants. Aussi, l’accès à des informations et des outils essentiels est souvent limité, en particulier pour les paysans. Cependant, depuis quelques années une lueur d’espoir se profile à l’horizon. En effet, grâce aux avancées technologiques, des Nigeriens développent des outils innovants à même d’apporter une veritable bouffée d’air frais au secteur.
De nos jours, l’agriculture n’est pas seulement une affaire de semis, d’engrais et de houes, mais aussi de technologie. L’utilisation des technologies permet en effet de faire évoluer les méthodes agricoles. Elle permet également d’aider les agriculteurs à optimiser leurs rendements et contribue à l’atteinte de la securité alimentaire. Ainsi, pour ne pas rater le coche en cette nouvelle ère technologique et conscients que la technologie peut avoir un impact significatif sur le secteur agricole, les plus hautes autorités du pays ont décidé de suivre la marche du monde en faisant de la technologie, un important levier de développement du secteur agricole. « Les avancées technologiques pourraient engendrer une importante croissance économique pour le secteur et avoir un impact considérable sur les millions d’agriculteurs nigeriens », affirme un haut responsable du ministère en charge de l’Agriculture.
Au Niger, la cité de l’innovation, située dans le village de Sadoré, à 46 km au sud de Niamey, prend l’allure d’une référence nationale en terme de développement de solutions technologiques et numériques pour le besoin des secteurs socio-economiques du pays. Surnommée la “Silicone Valey du Niger” dans le milieu des passionnés et admirateurs des TIC, cette plateforme accueille des jeunes qui développent des outils 2.0 qui laissent sans voix et font la fierté du pays. Dès l’entrée de la cité qui se trouve dans l’enceinte du centre de recherche de l’ICRISAT, on est frappé par le paysage bois et verdure. Des jardins de manguiers, de palmiers et autres entourent la façade sud de la cité.
A l’interieur de la cité, dans une ambiance calme et decontractée, des jeunes pour la plupart agés de 18 à 32 ans, grâce aux équipements de pointe disponibles dans le laboratoire technologique de la cité, conçoivent des outils pour l’agriculture de demain. « La cité de l’innovation est l’endroit ideal pour développer des outils numériques ou technologiques », affirme un jeune passionné de technologie. « Je viens ici depuis plus de deux ans et on travaille sur le developpement de plusieurs outils. Je trouve vraiment pertinent le fait que l’Etat ait créé ce centre. Ça nous permet de pouvoir pleinement profiter des machines de dernière génération pour developper des solutions technologiques locales », renchérit un autre jeune développeur.
Tirer parti de l’innovation technologique
Parmi les innovations developpés par ces jeunes, il y a le dispositif de realité augmenté. Véritable outil d’aide à la planification et à l’exécution des travaux agricoles, le dispositif de realité augmentée en forme de casque permet, grâce à une application installée sur un smartphone, de faire une projection virtuelle des points de semis dans le champ, ainsi que l’écartement idéal entre les poquets. « Ce dispositif a été créé dans le but d’éviter aux agriculteurs le gaspillage de semences, les erreurs d’ecartemment et ainsi les aider à optimiser l’exploitation des terres agricoles », explique M. Kabirou Ousseini, un membre de l’equipe qui a inventé le dispositif. Par ailleurs, « nous sommes également en train de travailler sur l’application afin de pouvoir permettre à l’agriculteur une analyse complète du champ, les besoins en engrais, ainsi que la quantité à épandre. L’objectif principal est de permettre de travailler de manière plus précise et plus efficace », ajoute-t-il.
Un autre outil développé par ces jeunes est le système d’arrosage automatique. Raccordé au robinet, ce dispositif d’à peine 500g permet, grâce à des capteurs installés à l’interieur et selon l’humidité du sol, de programmer un arrosage automatique, sans intervention humaine. Le systeme fonctionne de manière automatique et peut aussi, à travers l’apprentissage automatique, fonctionner tout seul et ce, pendant plusieurs mois. « Notre intention à travers l’invention de ce systeme est d’apporter une facilité pour les maraichers dans l’irrigation de leurs champs tout en évitant le gaspillage d’eau. De plus, ils pourront économiser de l’argent sur leur facture d’eau tout en augmentant leurs récoltes », explique M. Kabirou Ousseini.
En outre, Niger FPV Drone, jeune start-up spécialisée dans la robotique et la technologie ayant son siège à la cité de l’innovation a developpé un kit comprenant deux drones à destination du secteur agricole.
Le premier drone, dénommé “Gona Drone”, avec une autonomie de 15 minutes, une portée maximale de 500m, une vitesse de 30 Km/h et une contenance de 5 litres, permet de survoler les champs et de réaliser des épandages de pesticides, d’engrais ou d’herbicides avec une grande précision. Le second, le Drone Hankaka, est destiné à la cartographie des champs pour obtenir des données à jour et les coordonnées des zones à traiter. Ce qui réduit la quantité de produits chimiques utilisés et contribue ainsi à une agriculture plus durable. « Nous travaillons dur pour fournir des solutions technologiques innovantes. Notre objectif principal est d’apporter de l’innovation dans le domaine agricole en soulageant davantage nos valeureux agriculteurs », souligne Mamane Adamou Allasane, PDG de Niger FPV drone.
Pour le directeur général de la Cité de l’innovation, M. Mahamadou Hachibi, c’est une chance que de vivre dans un pays doté d’un potentiel agricole immense. « Pour mettre pleinement en valeur ce potentiel, nous devons profiter des avancées technologiques pour batir un avenir ou l’agriculture joue pleinement son role de moteur de developpement economique et social pour notre pays. Les différents outils developpés par ces jeunes ingenieurs, motivés et pleins de talents, nous donnent l’espoir pour un lendemain meilleur. Ici, à la Cité de l’innovation, les portes sont ouvertes pour tous les Nigeriens », assure-t-il.
Au-delà de la Cité de l’innovation, de nombreux acteurs du secteur privé innovent pour offrir des solutions technologiques pour les agriculteurs. Parmi ces outils inventés par des Nigeriens, il y a notamment la Télé irrigation. Ce système est un concept de pilotage à distance de l’irrigation grâce à un téléphone et l’energie solaire pour améliorer le rendement agricole. La télé-irrigation permet une distribution intelligente de l’eau (besoins, quantité, temps, spéculation, cycle végétatif…) avec possibilité de collecte en temps réel des données météorologiques et hydrologiques à savoir la température, le taux d’humidité, la pluviométrie, la radiation solaire la vitesse et la qualité de l’air.
Selon Abdou Mamane Kane, fondateur et PDG de Tech-innov, « la Télé-Irrigation a été conçue pour être utilisée sur des grandes superficies et permettre un rendement plus optimal pour les agriculteurs. L’objectif est de faire passer l’agriculteur à une agriculture de précision. Il s’agit là d’un outil inventé par un Nigérien et pour les Nigériens », dit-il.
En plus de la télé-irrigation, Tech-innov expérimente plusieurs concepts et innovations agricoles dont le biofertilisant intelligent qui est un dispositif de dosage et de distribution automatisée des engrais liquides extraits de la fumure organique à travers le système Télé-Irrigation. « Contrairement aux fertilisants traditionnels, souvent composés de produits chimiques nocifs, les bio fertilisants intelligents de Tech-innov sont entièrement naturels et respectueux de l’écosystème. Ils sont composés d’une combinaison unique de micro-organismes bénéfiques pour les plantes, de nutriments essentiels et d’autres substances naturelles favorisant leur croissance », indique M. Kane Mamane.
Des villages qui adoptent les outils technologiques
Dans la commune de Simiri, localisée dans la région de Tillabery, se trouve Koum, un village de 2.408 habitants situé à 75km à l’Est de Niamey. Comme un peu partout dans les villages du Niger, la majorité de la population vit principalement de l’agriculture pluviale. 114 ménages se sont regroupés en cooperative et cultivent la terre sur une superficie de 85.000 mètres carrés grâce au systeme de télé-irrigation. Selon un responsable du comité technique de gestion du site, grâce a ce systeme, les exploitants ont un meilleur rendement et gagnent plus d’argent qu’avec l’irrigation manuelle. « A l’époque, il nous fallait plus de 20 personnes et plus de 3 heures de temps pour irriguer le site. Maintenat, grâce aux avancées technologiques, une seule personne peut s’occuper de la tâche. En outre le travail devient facile et plus rentable », déclare Mme Hannatou Issa, une quadragénaire membre de la coopérative.
Au village de Massaké, dans la commune de Birni N’Gaouré, departement de boboye, grâce à la direction générale de l’agriculture, une ferme de 4 ha employant 112 personnes a été equipée en systeme de télé-irrigation. « Nous sommes vraiment honorés et reconnaissants pour la mise en place de ce système dans notre ferme car depuis l’installation de ce système, les rendements sont vraiment meilleurs », affirme Amadou Hassane, un agriculteur du village.
Le rôle de l’Etat
Depuis quelques mois, le CNSP et le gouvernement de transition à travers le Ministère de l’Agriculture et de l’Elevage ont engagé un vaste programme sur la souveraineté alimentaire axée sur la grande irrigation. Ainsi, le Ministère de l’agriculture et de l’Elevage, en partenariat avec Tech-innov, propose un programme de petite irrigation au profit des jeunes à travers le digital pour une croissance partagée et une inclusion numérique du monde rural.
Ce programme intitulé “Souvaireneté alimentaire au Niger à travers la jeunesse et le digital” vise, dans sa phase pilote, la création de 8 fermes digitales régionales de 40 hectares chacune, soit 320 hectares avec un ancrage sur les sites de grande irrigation et l’usage de la télé-irrigation comme moyen de gestion de l’eau. Ce projet permettra la création de 640 emplois permanents, une prévision de rendements de production maraîchère de plus de 83.000 tonnes/an ainsi qu’une prévision d’environ 3.744.000.000 F CFA qui seront injectés dans l’economie nationale. « Après la phase pilote du programme, nous allons continuer le projet sur de très grandes superficies. Notre premier objectif est d’atteindre l’auto-suffisance alimentaire. L’agriculture est quasiment le secteur le plus important de l’economie de notre pays car employant plus de 80 % de la population. Partant de ces faits, le secteur agricole constitue une des priorités les plus importantes pour le CNSP ainsi que pour le gouvernement de transition. Nous allons bientôt nous tourner vers une agriculture plus intelligente », confie le ministre de l’Agriculture et de l’Elevage, le Colonel Mahaman Elhadj Ousmane.
Envoyé Spécial, Ousmane Nazir (Stagiaire)