
Général de Brigade Iro Oumarou
Mon Général, la région de Dosso accueille cette année la 45è édition du Sabre National, Kokowa Dosso 2024, sous le thème central « Labou Sani No, Zancen Kassa Né ». Quel est le niveau des préparatifs de ce rendez-vous d’envergure nationale, ainsi que les dispositions sécuritaires prises pour assurer aux différentes délégations un séjour agréable dans la cité des Djermakoyes ?
Les préparatifs de ce rendez national vont bon train. Nous sommes à un stade avancé. Sur le plan sécuritaire, c’est le même dispositif sécuritaire qui est l’opération « Damissa ». Cette opération sera renforcée en mettant l’accent le long de la frontière, avec une intensification accrue des opérations militaires qui allient les forces terrestres et la surveillance des vecteurs aériens pour dissuader et repousser tous ceux qui s’approchent de notre frontière.
Ce dispositif en place fait un travail excellent sur le terrain. In shaa Allah, pour la lutte traditionnelle, ce dispositif sera renforcé. Cet évènement va se dérouler bien, plaise à Dieu, dans la quiétude.
Monsieur le Gouverneur, la région de Dosso a connu des incursions terroristes dans certains de ses départements, quelles sont les dispositions prises au niveau régional pour contenir cette menace ?
Je dois souligner que la région de Dosso est traditionnellement une zone en proie à la fraude. En effet, lorsqu’on prend la carte régionale de Dosso, vous verrez que sur les huit (8) départements que compte la région, il y a six (6) qui sont frontaliers. Ces départements frontaliers sont Falmey, Gaya, Dioundiou, Dosso avec la commune rurale de Sambera ; Tibiri et Doutchi. Les populations frontalières sont habituées à cette pratique. Aujourd’hui, le contexte a radicalement changé parce qu’il ne s’agit plus de la simple fraude de marchandises ordinaires, mais plutôt un trafic d’armes, de carburant, de drogue, de motos qu’il faut aller livrer aux terroristes qui nous combattent de l’autre côté de la frontière entre le Niger et le Mali, entre le Burkina Faso et le Niger ainsi que dans certaines zones du pays. Les données ont changé et les populations sont habituées à cet état de fait. Les terroristes ont donc profité de cette réalité pour les appâter en leur accordant beaucoup de facilités. Comme vous le voyez, la région est située à cheval et constitue un boulevard d’échanges en termes logistiques entre les terroristes qui sont au Mali et ceux qui se trouvent au Nigéria. C’est principalement ce danger qui guette la région de Dosso. Sinon, pendant longtemps, la région de Dosso est restée relativement calme, comparativement aux autres régions où la menace terroriste est à haute intensité. Face à ces incursions, des dispositions ont été prises depuis 2020 avec l’opération « Damissa » pour contrecarrer toutes ces transactions entre les deux groupes terroristes au Nigéria et au Mali en coupant ce cordon de ravitaillement logistique. Et la tâche n’est pas facile parce que dans les villes, villages et campagnes, la complicité des populations qui gagnent énormément d’argent dedans et qui ne risquent rien, reste d’actualité. Parallèlement à cette menace terroriste, il y a aussi beaucoup d’actions qui sont développées telles que le banditisme armé local, le grand banditisme, la criminalité transfrontalière. Nous avons opposé à toutes ces actions, l’opération « Damissa » conduite par les Forces de Défense et de Sécurité qui a fait déjà ses preuves. En plus, nous mettons maintenant l’accent sur les frontières en intensifiant les patrouilles avec le déploiement des forces terrestres. Nous faisons également recours aux vecteurs aériens, notamment les drones et d’autres vecteurs armés.
La lutte contre la menace terroriste n’est pas que militaire. Elle nécessite bien évidemment le recours et la collaboration des populations civiles, quelle est l’approche utilisée au niveau régional ?
En général, la population collabore. Mais cette collaboration est partagée. Par le passé, la population frontalière est favorable à tout ce qui se faisait comme fraude. Maintenant, dans le cadre de ce trafic, il s’agit de matériels de guerre, notamment des armes avec lesquelles les terroristes combattent nos frères d’armes. Face à cela, nous avons aussi développé nos capacités parce qu’aujourd’hui, la guerre se fait sur les renseignements. Sur ce plan, la population collabore. Cependant, il y a certaines personnes qui donnent l’information aux terroristes ; ce qui ne nous facilite pas la tâche. Malheureusement, cette pratique malsaine est très développée dans la région de Dosso. Mais, in shaa Allah, nous arriverons à inverser la tendance.
Mon Général, la campagne agro-sylvo–pastorale 2024 est caractérisée par des pluies particulièrement abondantes à l’échelle nationale. Ces pluies ont malheureusement occasionné des inondations sans précédent, quelles sont les zones les plus affectées de la région de Dosso et quels sont les efforts consentis au titre de la région pour répondre à la crise humanitaire ?
Traditionnellement, la région de Dosso enregistre chaque année la plus forte pluviométrie par rapport aux autres régions du Niger. C’est la seule région traversée par les dallols. Vous avez les dallols Bosso, Foga, Maouri et le fleuve Niger qui traverse la région sur plus de 180 Km. Et chaque année, elle enregistre une pluviométrie élevée. C’est dire que les populations sont un peu habituées aux inondations surtout pour celles qui vivent dans les dallols. Ces populations sont confrontées, chaque année, à des inondations locales avant même la crue guinéenne. Et si on va dans les villages riverains ou dans les dallols pendant l’hivernage, vous serez surpris de voir chaque deux heures une petite pirogue garée au cas où il y a un éventuel débordement des eaux. Les populations sont acclimatées par rapport à ces inondations. Mais, cette année, le phénomène a été exceptionnel. Nous avons connu des pertes en vies humaines et en matériels surtout les inondations des champs. Nous cherchons maintenant à vouloir transformer ces pertes là en opportunités en comptant sur les cultures irriguées. Ce qui est un programme phare du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP). Dans cette optique, la région de Dosso est à l’avant-garde avec le potentiel agro-pastoral et hydraulique dont elle dispose.
La campagne agro-sylvo-pastorale 2024 tire inexorablement à sa fin avec la libération prochaine des champs pour permettre aux éleveurs de faire paître leurs animaux en toute sécurité ; quels sont les résultats de l’évaluation de la campagne au titre de la région de Dosso ?
Comme je l’ai dit, là où nous avons perdu, c’est au niveau des zones inondables avec les champs irrécupérables. Mais cela n’est que partie-remise parce qu’on va capitaliser les eaux qui ont inondé les champs afin de les utiliser pour faire les cultures irriguées. Notre objectif est de faire deux à trois récoltes de cultures irriguées pendant la saison sèche pour pouvoir compenser et même dépasser ce qu’on a perdu en période d’hivernage. De l’autre côté, nous allons capitaliser les expériences du programme d’appui à la petite irrigation qui a développé l’expertise au niveau des acteurs qui sont très aguerris et formés en techniques de cultures et qui s’adonnent aux activités rizicoles dans les périmètres privés hors aménagement. Je pense que globalement, dans les champs qui n’ont pas été affectés par ces inondations, les populations ont fait de très bonnes récoltes, à la limite, excédentaires même. Pour les endroits affectés par les inondations, la solution est de compenser avec le Programme de Résilience pour la Sauvegarde de la Patrie initié par le CNSP, en passant de la petite irrigation à la grande irrigation avec la grande production agricole et l’intensification de la production animale.
La souveraineté alimentaire passe indéniablement par l’intensification et l’accroissement de la production maraichère pour donner corps au Programme de Résilience pour la Sauvegarde de la Patrie (PRSP) et le Programme de Grande Irrigation (PGI), quel est l’état de la question dans la région de Dosso ?
La région de Dosso est une région à vocation essentiellement agro-pastorale avec un fort potentiel dans le domaine. En effet, l’abondance de l’eau fait de la région de Dosso une zone particulière et favorable à la production maraichère et rizicole. Il y a eu dans la région de Dosso l’adhésion massive de l’ensemble des acteurs ruraux par rapport à la petite irrigation qui a été développée. Cette dernière a donné des fruits au niveau des organisations de jeunesse, surtout féminines, qui ont développé des chaines de valeur dans des domaines bien précis comme l’arachide, le moringa, les laiteries qui poussent un peu partout. Ce qu’il faut peut-être encourager, c’est le mode cultural. La hilaire ne permet pas de cultiver une grande superficie. Il faut qu’on tende vers la mécanisation pour avoir la grande production agricole et puis monter en gamme pour les particuliers dans les périmètres irrigués hors aménagement.
Le 27 juillet 2024, le ministre de l’Agriculture et de l’Elevage avait lancé dans le département de Gaya, précisément à Gatawani, la grande irrigation sur des périmètres qui touchent 80.000 ha. Mais pour l’instant, l’Etat n’exploite que 600 ha. Ce programme va toucher toutes les régions du pays. Nous fondons l’espoir qu’avec les aménagements qui sont en train d’être emblavés et que l’Etat va même accompagner les aménagements des particuliers, la région de Dosso sera pionnière dans ce domaine là, y compris la chaine de valeur filière bétail-viande.
La région de Dosso accueille le projet de construction d’un complexe pétrochimique, quelles sont les opportunités attendues d’un projet d’une telle envergure pour la jeunesse nigérienne en général, et en particulier celle de Dosso et quelle est sa portée dans le développement économique et social de la région ?
Le projet du complexe pétrochimique est déjà lancé. Il y a la centrale thermique qui est en chantier avec des travaux avancés par rapport au terrassement. La plateforme est déjà prête. C’est une machine qui sera installée clé en main, d’après les techniciens. Et vous avez le complexe pétrochimique qui va traiter des produits dérivés du pétrole comme l’engrais. Nous allons nous même, essayer de produire la qualité d’engrais que nous voulons pour distribuer aux agriculteurs. Il y a aussi la centrale elle-même qui est modulaire et modulable d’une capacité qui peut aller jusqu’à 110.000 barils par jour. Ce vaste chantier, s’il voit le jour, va engendrer d’autres réalisations connexes qui sont nécessaires à son utilisation, son fonctionnement, comme les parkings des gros porteurs, les dépôts, les bases logistiques, la base vie et je vois même le port sec qu’on sera obligé de ramener sur la table et de réveiller. La région de Dosso est la seule région qui n’a pas d’aéroport. Et nous sommes inscrits dans la dynamique de l’Alliance des Etats du Sahel (AES). Et que cette raffinerie-là, c’est pour faire face aux besoins du Burkina Faso et du Mali qui sont membres de la Confédération de l’Alliance des Etats du Sahel. Si Dosso n’a pas jusque-là d’aéroport parce qu’elle est proche de Niamey, je dirai que Dosso est très loin de Bamako et Ouagadougou et que si les hommes d’affaires doivent atterrir à Niamey et prendre la route pour Dosso, ils perdront un temps énorme. Dans cette optique, Dosso doit nécessairement avoir un aéroport. Tous ces investissements offrent à priori des opportunités d’emplois aussi bien pour la jeunesse de la région que celle du Niger tout entier, ainsi que pour les jeunes des autres pays membres de l’AES. Sur le plan économique, les retombées sont indéniables et la construction du complexe pétrochimique à Dosso va avoir un impact économique fort dans la sous-région et au-delà.
Réalisé par Hassane Daouda (ONEP) Envoyé Spécial