Des produits comme la pomme de terre font partie de l’alimentation, au quotidien, de nos populations. La pomme de terre est l’un des produits saisonniers les plus prisés par les consommateurs, surtout dans les zones urbaines du Niger. Le pays importe annuellement 500 à 1.500 tonnes de semence de pomme de terre pour près d’un milliard de FCFA. Ces derniers temps la pomme de terre est vendue à 1.250 FCFA le kilogramme sur les marchés de Niamey, puisqu’elle est importée ou produite localement dans des conditions peu optimales. Plusieurs programmes ont tenté, sans résultats probants, de booster la production de la pomme de terre au Niger, notamment dans les zones de Hamdallaye, Balleyara (dans la région de Tillabéri) et certaines localités d’Agadez.
A l’Institut des Radio-isotopes de l’Université Abdou Moumouni de Niamey, les chercheurs agronomes ont travaillé, il y a cinq ans, à développer des semences les plus adaptées pour une production plus optimale. Faute de vulgarisation, d’introduction ou d’appropriation par les acteurs, les semences continuent d’être importées chèrement et sans gage de bon rendement et de qualité, depuis la France, le Nigéria ou le Ghana.
Les responsables de l’IRI disent avoir tout fait pour l’introduction de leurs semences. Mais en vain, parce que les acteurs continuent à acheter en France la semence de la pomme de terre. « Le projet est au Ministère de l’Agriculture depuis cinq ans. On l’a laissé tomber. Et ce qu’ils achètent là proviennent des mêmes types de laboratoire que le nôtre. C’est d’ailleurs leur mévente qu’ils nous reversent cher et tardivement généralement. Pire, c’est de la mauvaise qualité, nous le vérifions à chaque fois. Mais nous, nous n’avons pas le choix », décrie le Directeur de l’IRI, Pr Daouda Ousmane Sani.
Les échantillons de pomme de terre, il en existe encore, en incubation ou en expérimentation, tout au long de la chaine du dispositif du laboratoire du Département de Radio-Agronomie et Ecophysiologie de l’IRI. En effet, la semence est améliorée à la base des techniques d’ionisation. « Il n’y a absolument aucun danger associé à la consommation d’aliments traités par ionisation et plus de soixante-dix pays au monde autorisent l’application de cette technologie. La plupart des légumes en vente dans les pays développés et exposés dans les rayons légumes des grands magasins dans nos pays aussi, ont été traités par ionisation. Aujourd’hui, l’ionisation est une condition exigée pour l’exportation de certains produits comme les légumes, les semences, les farines, etc », souligne le Maitre de Recherche en Agro-physiologie.
Il faut noter que l’IRI a développé et continue de développer ses recherches avec l’appui de l’AIEA et sous la supervision de la Haute Autorité Nigérienne à l’Energie Atomique (HANEA), dans le cadre bien établi d’un programme d’amélioration de la tolérance à la sécheresse des principales cultures vivrières du Niger.
« Nous sommes convaincus que le problème de la filière pomme de terre au Niger, c’est un problème de semence. En 2023, le kilogramme de la semence de France était de 1.200 à 1.500 Fcfa. Je ne sais pas comment ils ont fait cette année avec Air France qui ne vient pas. Cette semence arrive souvent en retard. Les gens ont semé du n’importe quoi qui arrive du Ghana ou du Nigéria. Ce n’est même pas le rendement minime qui nous inquiète mais la qualité surtout », déplore Pr Daouda Ousmane Sani.
« La pomme de terre est un produit alimentaire pour les grandes agglomérations. C’est plus facile à produire et elle a en principe un fort rendement, un gros tonnage. Et nous avons la capacité de le faire ici. Avec le Mali, nous avons commencé ensemble ; actuellement ils fournissent 50% de semences utilisées dans leur pays. Dans quelques années, ils ne vont plus importer la semence de pomme de terre », affirme le Directeur de l’IRI.
« Ce qu’ils vendent à nos paysans à 1.200FCFA, nous avons dit que nous allons le faire à 400 FCFA »
Selon les chercheurs, la pomme de terre est une culture qui a des exigences climatiques. Cette année, les semences de la France sont venues en fin février, alors qu’elles doivent être semées en octobre. C’est ce qui explique en grande partie la cherté sur le marché. La production a été drastiquement déficitaire. « Pour qu’il y ait formation de tubercule de la pomme de terre, il faut une température entre 15°c et 20°c ou tout au plus 22°c », explique un laborantin du Département de Radio-Agronomie et Ecophysiologie de l’IRI. Ledit laboratoire, travaille toujours sur la pomme de terre, sur une chaine de multiplication jusqu’à 3 à 7 générations à partir de la germination G-zéro précédée par une étape de désinfection et de production de vitro-plant (plante saine).
« Au fur et à mesure que la semence se décline, elle s’expose à des microbes. C’est pourquoi, nous nous en tenons au G3 ici, pour une meilleure productivité de l’ordre de 25 tonnes à l’hectare. Mais ce qu’on amène de la France c’est du G12. Ils disent sur l’étiquette que ça fait 20 tonnes à l’hectare. Nous, nous savons que c’est faux en réalité », explique Pr Daouda Ousmane Sani pendant qu’il nous fait visiter sa chaine de germination. « Ce qu’ils vendent à nos paysans à 1.200FCFA nous avons dit que nous allons le faire à 400FCFA. Et nous allons mettre à leur disposition les semences à temps », précise le Directeur de l’IRI. « Nous sommes prêts, à ce qu’on nous teste », a lancé le Maitre de recherche.
Ismaël Chékaré (ONEP)